Blasté : Rude épreuve
Avec Blasté, Brigitte Haentjens soumet son public et ses comédiens à la torture, celle imaginée par Sarah Kane il y a plus de 10 ans.
Après Sylvia Plath et Virginia Woolf, il fallait bien qu’un jour ou l’autre Brigitte Haentjens se porte à la défense de l’une des pièces de Sarah Kane. Le choix de la directrice artistique de la compagnie Sibyllines – qui fête d’ailleurs cette année ses 10 ans d’existence – s’est porté sur Blasted, l’oeuvre qui a révélé la dramaturge britannique en 1995, c’est-à-dire quatre ans avant son suicide.
Ceux qui ont vu la pièce au Quat’Sous en 2002, dans une mise en scène de Stacey Christodoulou, se souviendront comme la matière est détonante. Ce n’est pas pour rien que le texte de Kane est considéré comme celui qui a donné naissance à la vague du in-yer-face theatre en Angleterre. La première partie est assez banale. Ian, un journaliste à scandale des plus racistes, partage une chambre d’hôtel avec Cate, une jeune femme de milieu modeste, particulièrement vulnérable. Lui, crédible Roy Dupuis, se trimballe toujours avec son revolver. Elle, étonnamment sobre Céline Bonnier, ne peut s’empêcher de sucer son pouce. Les deux personnages sont pour ainsi dire liés par l’autodestruction et les sévices sexuels. Entre eux, la violence est perpétuelle, mais sous-jacente, pernicieuse.
Puis, peu de temps après qu’un soldat enragé – Paul Ahmarani, particulièrement juste – se fut introduit dans la chambre, une terrible et spectaculaire explosion se produit. La déflagration imaginée par Anick La Bissonnière (scénographie) et Étienne Boucher (lumière) est d’un effet saisissant. Les personnages ont les deux pieds plantés dans les ruines d’une société où régnait autrefois un semblant d’ordre. Maintenant, c’est la guerre civile, la loi du plus fort, mais plus encore la loi du talion. OEil pour oeil, dent pour dent. Ce pourrait être le credo du soldat. Parce que sa femme a été horriblement mise à mort par l’ennemi, voici que l’homme offre le même traitement à tous ceux qu’il croise. À partir de là, toutes les barbaries deviennent possibles… et représentables.
Vous aurez compris que toute la violence qui était latente dans la première partie éclate dans la seconde avec fracas. Si bien qu’on se demande comment Ian et Cate vont traverser cette épreuve. Mais le bain de sang pourrait bien avoir sur eux des vertus rédemptrices. C’est du moins l’une des avenues que la mise en scène d’Haentjens permet d’emprunter. Comme si les personnages, meurtris mais toujours en vie, bénéficiaient d’une nouvelle chance. La saisiront-ils?
Jusqu’au 5 avril
À l’Usine C
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