François-Étienne Paré : Prêter l'oreille
Scène

François-Étienne Paré : Prêter l’oreille

François-Étienne Paré trouve son premier grand rôle au théâtre dans Oreille, tigre et bruit, une pièce d’Alexis Martin, mise en scène par Daniel Brière.

Dans Oreille, tigre et bruit, une pièce d’Alexis Martin créée en 1996 et revisitée ces jours-ci par Daniel Brière, François-Étienne Paré incarne Hubert Alain, l’animateur d’une émission culturelle télévisée. Sur le plateau de l’émission Le Cercle de Montréal, l’homme reçoit des romanciers, des chercheurs, des universitaires… des personnages colorés et verbomoteurs, à la limite de la caricature, incarnés par Christian Bégin, Éloi Cousineau, Evelyne de la Chenelière et Patrick Drolet.

Cette fois, le comédien, lui-même animateur à ses heures, a ce qu’il est convenu d’appeler le profil de l’emploi. "J’imagine que mes expériences d’animateur ont incité Daniel à faire appel à moi, commente Paré. Il faut savoir qu’à la création, c’est Stéphane Lépine, alors animateur à la radio de Radio-Canada, qui tenait le rôle. Dans la pièce, on voit beaucoup Hubert travailler comme animateur. Il y a beaucoup de gestion de plateau. Cela dit, je n’ai pas que ça à jouer." Justement, quel genre d’être humain se cache derrière l’animateur? "Hubert est un intello, un passionné de littérature, un gars qui aime trouver le mot juste, qui aime avoir une pensée claire. C’est un être de communication, un gars curieux, volubile. Souvent, ces gens-là sont moins loquaces dans la vie quotidienne. C’est son cas! Avec sa femme, Claire (Fanny Mallette), par exemple, la communication est beaucoup plus difficile."

BRUIT DE FOND

Mais le vrai problème d’Hubert, élément perturbateur de la pièce, c’est le bruit qu’il ne cesse d’entendre. Un bruit de fond que ni lui ni son médecin n’arrivent à expliquer. Si bien que le personnage en vient à se demander s’il est possible qu’il y ait une quantité limitée de mots ou de sons qu’on puisse absorber. "Ce qui l’envahit, c’est le bruit ambiant, explique Paré. Ce bavardage constant qui est de plus en plus fort. On communique de plus en plus mais en même temps, c’est comme si cette communication-là était vide. Hubert se demande s’il existe une limite de mots, un seuil qu’il aurait atteint. Cette saturation pourrait bien le rendre fou."

Avec cette pièce débordante de fantaisie, de sens et de non-sens, Alexis Martin pose une réflexion pleine d’humour sur l’hypercommunication, mais surtout sur les mots, leur pouvoir et leur valeur. Il laisse entendre que le langage et les idées pourraient s’accumuler, s’user, et devenir du bruit. À une époque où l’Internet démultiplie les discours à une vitesse folle, la question se pose, peut-être encore plus cruellement que lors de la création du texte en 1996. "Je trouve les questions soulevées par Alexis criantes d’actualité, précise Paré. La satire n’a pas pris une ride. Il est beaucoup question de la communication, mais aussi des cotes d’écoute et de la place des arts dans les médias. Des émissions comme celle d’Hubert Alain, il n’y en a pas qui existent en ce moment. Et pourtant, il y a de la place pour ça!"

Van Gogh s’est coupé l’oreille. Hubert, lui, choisit plutôt de foncer dans la poésie, la fable, en partant avec le Dr Ming, l’acuponcteur, à la recherche de la cause du bruit. Dans ce périple au plus profond de son oreille, il découvre un tigre rugissant, une image de son enfance qui a laissé sa trace sur son nerf auditif. "Il y a peut-être trop de bruits ambiants, lance Paré. Il faut peut-être revenir à une communication plus ancrée. Chose certaine, la pièce est un constat, pas un plaidoyer; elle laisse avec des questions. C’est au spectateur de réunir les pistes de solution."

Du 1er au 26 avril
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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ALEXIS MARTIN, AUTEUR

Né à Montréal, en 1964, Alexis Martin a fait des études au Conservatoire d’art dramatique et au Département de philosophie de l’UdeM. On connaît le comédien, le metteur en scène et le directeur artistique, mais on oublie trop souvent l’auteur. Au fil des ans, l’homme a offert à la dramaturgie québécoise quelques morceaux de choix, des partitions publiées qui valent le détour. Avec le regretté Jean-Pierre Ronfard, Martin a signé Transit section n° 20 et Hitler (Boréal). On lui doit aussi les adaptations de L’Odyssée (en collaboration avec Dominic Champagne) et de L’Iliade d’Homère (Dramaturges). Matroni et moi (Leméac), Bureaux (Boréal) et Tavernes (Dramaturges) ont donné lieu à d’exceptionnels moments de théâtre. Ces jours-ci à l’affiche de Sacré Coeur, une production du NTE à Espace Libre, Alexis Martin sera prochainement au grand écran dans Une galaxie près de chez vous II, de Philippe Gagnon, Comme une flamme, de Sébastien Rose, et Babine, de Luc Picard.