Ohad Naharin : Offrir des sensations
Le chorégraphe israélien Ohad Naharin crée un collage inédit pour les Grands Ballets. Celui-ci nous est présenté au sein d’un programme triple.
Quand un artiste allie talent, humanité, humour et sensibilité, il touche son public et s’assure le succès. Un succès que le chorégraphe Ohad Naharin goûte depuis ses débuts. Créé en 2002 pour les Grands Ballets, son Minus One en est un bel exemple: il est ovationné partout où il est présenté et fait partie des oeuvres que la compagnie emportera dans ses bagages aux Étés de la danse, à Paris, un festival où elle est invitée à passer trois semaines. À l’instar de cette pièce, Danz, la nouvelle création, est un collage d’extraits chorégraphiques. Interprétée sur des musiques aussi diversifiées que Beethoven, Brian Eno ou des mélodies de la compilation Hard Rock Café Surf, elle emprunte à 5 chorégraphies créées entre 1999 et 2007.
"Une des raisons pour lesquelles j’aime faire des collages, c’est que ça garde les oeuvres vivantes, commente le chorégraphe. Mon travail n’existe que s’il est dansé. Alors reprendre des pièces me donne l’occasion de les revisiter, de les développer en termes de composition et de langage gestuel. Les choix des extraits se font un peu à la manière d’un jeu, comme un puzzle, et ne sont pas irréversibles. J’ai d’ailleurs changé beaucoup des idées avec lesquelles j’étais arrivé à Montréal. C’est une question de choix et de point de rencontre entre le temps et l’espace."
Ce nouveau collage comprend notamment des séquences de Naharin’s Virus, pièce de 2001 qui a reçu un prix Bessie et qu’on avait eu la chance de voir au FIND. Incluant une chanson en arabe traitant du lien à la terre et à la patrie, elle avait défrayé la chronique en Israël, tout comme le striptease orchestré trois ans plus tôt sur une musique traditionnelle juive dans Anaphase. On comprend donc d’où vient la réputation de Naharin de bousculer les conventions et de renouveler la danse israélienne. "Je ne pense pas en ces termes", commente celui qui se garde bien d’endosser quelque étiquette que ce soit. Considérant les sensations comme la façon la plus globale et la plus sûre d’appréhender le réel, ce fils de danseuse et de psychologue place la conscience corporelle au-dessus de toute considération politique, théorique ou esthétique sur son oeuvre.
"Le coeur de mon travail est le langage gestuel appelé "Gaga" que j’ai mis au point pour entraîner mes danseurs et que j’essaye aussi de transmettre quand je viens aux Grands Ballets. Je cherche à établir une relation au corps qui permette aux gens de découvrir leurs faiblesses, leurs habitudes gestuelles et posturales et de connecter avec le plaisir et l’effort. C’est un enseignement sur le pouvoir de l’imagination et sur l’efficacité du mouvement qui nous montre que nos possibilités sont infinies et qui nous aide à être meilleurs face aux difficultés dans notre travail et dans nos vies."
Cette relation au corps, expérimentée dès l’âge de cinq ans avec sa mère dans des ateliers d’éducation somatique, Naharin la peaufinera au fil du temps, des blessures et des expériences diverses. La logique veut qu’il crée en collaboration avec les interprètes dont il apprécie plus la capacité à risquer, à innover et à s’ouvrir que les compétences techniques. Sur scène, ce travail se concrétise dans des oeuvres qui jouent souvent sur une gamme d’émotions complexe et contrastée et où l’ensemble des éléments – mouvement, voix, musique, scénographie et costumes – s’harmonisent parfaitement.
En plus de Danz, Une Soirée avec Ohad Naharin comprend la reprise de Kaamos et Arbos. La première, créée en 1995, explore le thème de l’ambiguïté sur la musique d’Ivry Lider, dans un jeu étonnant sur le silence et l’obscurité. La seconde, créée en 1989 et remaniée en 1992, est une pièce atmosphérique portée par la spiritualité de la musique d’Arvo Pärt. Sensualité et plaisir caractérisent ces deux oeuvres dont les mouvements puissants et athlétiques servent des propos différents.
Du 3 au 12 avril
Au Théâtre Maisonneuve de la PdA