Richard trois : Noirs desseins
Scène

Richard trois : Noirs desseins

Richard trois nous entraîne, guidés par Shakespeare et les créateurs de ce spectacle, dans un univers glauque, intemporel, où s’agite la méchanceté incarnée.

Dans toute l’oeuvre de Shakespeare, Richard, duc de Gloucester, demeure l’une de ses créations les plus sombres. Ambitieux, assoiffé de pouvoir, ce personnage, dont la difformité physique traduit la noirceur de l’âme (à moins que l’une n’ait entraîné l’autre?), ne recule devant aucune manipulation, aucune cruauté, aucun meurtre sordide pour atteindre le pouvoir : accéder au trône d’Angleterre.

C’est ce que raconte Richard III, rebaptisée Richard trois dans l’adaptation mise en scène à la Bordée par Marie-Josée Bastien. La pièce, comptant dans sa version originale plus de 40 personnages, est jouée par deux comédiens: Lorraine Côté et Jacques Leblanc. Défi de taille, relevé ici avec grand talent, imagination, et un plaisir évident. S’y ajoutent inventivité et moyens techniques, pour seconder les comédiens: gants, lampes et objets divers s’animent; caméras, écrans participent, pour prendre le relais de l’action et offrir de saisissantes images.

Richard, futur roi, habite un décor sombre et froid (Christian Fontaine); sur trois niveaux, colonnes, escaliers et passerelles de métal structurent l’espace, qu’occupent des objets variés, collection à l’apparence d’abord hétéroclite. Peu à peu, l’unité de cet ensemble apparaît pourtant : dans l’utilisation que font les comédiens des accessoires afin de recréer, à deux, toute l’histoire; dans l’éclairage que donnent ces objets, en fin de pièce, à l’univers singulier où éclate la folle ambition de Richard. Réalité? Souvenir? Délire? L’espace ici créé s’ouvre sur de multiples possibilités.

Si le spectacle construit habilement un tout cohérent, une question demeure: l’adaptation présentée, et les raccourcis qu’elle implique, permet-elle de rendre justice à la pièce? Éléments coupés, scènes abrégées, et parfois un peu tirées hors de leur contexte, ont par moment pour effet de réduire la pièce au fil de l’anecdote, plutôt que de révéler les personnages, la gravité des enjeux. Des scènes effroyables pâlissent, perdent de leur force, ce qui empêche parfois de montrer toute la noirceur de Richard.

Richard trois, cependant, impressionne par la virtuosité du jeu des deux interprètes, et par l’image persistante, que créent décor et écrans, d’immense solitude, à laquelle l’ambition démesurée du personnage le condamne.

Jusqu’au 12 avril
Au Théâtre de la Bordée
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Les personnages admirables de méchanceté; Shakespeare revisité.