Christian Lapointe : Brûler les planches
Christian Lapointe signe et met en scène C.H.S., pour combustion humaine spontanée, un spectacle où les acteurs, dont il est, deviennent des éléments d’un tableau. Dépaysant.
En 2006, C.H.S. faisait l’objet d’un labo à l’occasion du Carrefour. Puis, après un passage par Avignon, TransAmériques et le Théâtre d’Aujourd’hui, voilà que ce spectacle nous revient, à peine modifié mais plus achevé, selon Christian Lapointe. Ayant lui-même pris feu à 19 ans, l’auteur se souvient: "Je me suis retrouvé quasiment un mois à l’unité des grands brûlés; ça a été un point de départ cathartique, je dirais." Mais cette image d’un homme qui se consume lui sert surtout de prétexte. "En littérature, la fin de la trame narrative vient après la Deuxième Guerre parce que, tout à coup, il s’est passé quelque chose dont on ne peut pas témoigner. Alors, je me suis demandé comment raconter cette histoire et j’ai commencé à écrire le monologue intérieur d’un gars qui brûle. Sans être une analogie complète sur la chambre à gaz, il s’agit d’une façon de nommer l’indicible, poursuit-il. Aussi, c’est une métaphore sur l’acte de créer, le statement d’un artiste quant à l’art qu’il pratique." Dans son cas, un plaidoyer pour un théâtre qui ne cherche pas à plaire, mais se veut "acte d’authenticité".
Autant dire que le résultat s’avère exigeant. Cela, en raison d’abord de la nature de la pièce. "Elle est construite en fragments et c’est le spectateur qui fabrique la trame narrative, remarque-t-il. Quand j’écris, je ne sais jamais qui parle, où et comment ça se passe. Toujours, j’essaie de créer une matière qui me permettra d’élaborer l’écriture scénique avec des concepteurs." Cette fois, la logique interne du texte les a amenés à imaginer un ensemble paradoxal, à la fois très statique et très dynamique. "C’est-à-dire que, bien qu’il s’agisse d’un tableau vivant fixe, la machinerie (lumière, son, etc.) et la structure, qui fait qu’on voyage dans l’espace et le temps, rendent l’ensemble très animé", note-t-il.
À l’intérieur de ce cadre, trois entités passent des théories scientifiques à la poésie scandée, à des dialogues minimaux plus psychologiques, dans une manière de synthèse des idées de Stanislavski, Brecht et Artaud. "Nous sommes des icônes; il s’agit plus de corps signes que de personnages, explique-t-il. L’acteur, en mettant son sarrau, devient le scientifique, il n’a pas à le jouer. Le spectacle s’est élaboré comme une installation d’arts visuels, dans laquelle les comédiens s’inscrivent comme des éléments du tableau. Ils sont tout autant de la plastique que la scénographie ou le son, à la différence qu’ils incarnent le déploiement de la pensée dans l’espace."
Bref, le genre de pièce qui ne laisse personne indifférent. "Il y en a qui capotent et d’autres qui s’en vont très vite, observe-t-il. Un des commentaires chouettes qu’on a reçus, c’est qu’il y a élaboration d’un langage poétique théâtral inattendu, qu’on apprend à lire ce show au fur et à mesure. Aussi, on nous parle de son implacabilité. D’ailleurs, quelqu’un m’a déjà dit: "C’est un texte qui ne respecte pas notre intimité." En fait, il s’agit plus de la rencontre du spectateur avec lui-même que de quoi que ce soit d’autre. Car le lieu premier du théâtre, c’est la tête des gens, finalement." Et C.H.S. promet de la mettre largement à contribution.
Jusqu’au 19 avril à 20h
Au Théâtre Périscope
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