Construction : Maison modèle
Scène

Construction : Maison modèle

Avec Construction, le Rideau Vert fait un rarissime détour vers la création. Si l’intention était bonne, le résultat est navrant.

La dernière fois que le Rideau Vert a produit le texte d’un jeune auteur québécois, c’était probablement en 1968, pour la création des Belles-soeurs de Michel Tremblay. Fraîchement diplômé de l’École nationale de théâtre, Pier-Luc Lasalle voit ces jours-ci Construction, sa première pièce, créée par Daniel Roussel, un metteur en scène chevronné, dans l’une des institutions les plus réfractaires aux oeuvres d’ici. Si le geste est événementiel, ce qui en résulte est consternant.

Le texte de Lasalle, qui n’est pas sans évoquer ceux de Claude Meunier ou Serge Boucher, est une étude de moeurs, la peinture d’un milieu, le drame d’une famille de banlieue qui a tout pour être heureuse… mais qui ne l’est évidemment pas. Ici, plutôt que d’aimer ceux qui nous entourent, de profiter de nos privilèges, on court constamment après un nouveau bonheur, on construit, on achète et on planifie. Il y a le père et la mère, mal agencés, les deux fils, antagonistes, et les deux belles-filles, envieuses. Ce sont des êtres imparfaits, névrosés, dépressifs, toujours jaloux et souvent manipulateurs. Si leur histoire ne présente pas l’ombre d’un rebondissement, elle parvient néanmoins à cristalliser les drames qui se trament au sein de bien des familles: infidélité, maladie, mortalité, rivalité, infertilité…

Si le texte de Lasalle aurait mérité d’être plus étoffé par endroits, il est surtout très mal servi par la mise en scène de Roussel. Sur le décor de Josée Bergeron-Proulx, un semblant de maison en cours de construction, Dominic Carmichael projette, pour évoquer les différentes pièces du bungalow, des animations 3D si laides qu’elles en deviennent risibles. Chargé d’une matière aussi réaliste, le metteur en scène semble s’être mis en tête de fuir le naturalisme. On ne saurait lui en tenir rigueur. Mais sa proposition est si incohérente – et il faut le dire, inesthétique – qu’on ne s’y retrouve plus.

Heureusement, le jeu des acteurs compense. Les parents de Danièle Panneton et Roger La Rue sont juste assez caricaturaux. Dans la peau d’un adolescent forcé de devenir un homme, Vincent-Guillaume Otis a peu à jouer, mais il le fait très bien. La psy immature de Caroline Bouchard est bien campée mais un brin monolithique. En fils indigne, Jean-Moïse Martin fait très bien l’affaire. Mais c’est Hélène Bourgeois-Leclerc, en parfaite hôtesse, qui nous fait le plus rire et le plus grincer des dents. Quand ce sourire qu’on croyait indélogeable finit par quitter son visage, la comédienne nous entraîne, irrémédiablement et avec beaucoup de doigté, de la comédie au drame.

Jusqu’au 19 avril
Au Théâtre du Rideau Vert
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