Le Magicien prodigieux : Lâcher son Diable
Scène

Le Magicien prodigieux : Lâcher son Diable

Le Magicien prodigieux, tel qu’adapté par Philippe Soldevila, nous offre, tout en un, tant la pièce de Pedro Calderón de la Barca que sa critique. Drôle et perspicace.

Au troisième siècle après J.-C., Cipriano (Guillaume Perreault), un étudiant romain, contrarie nul autre que le Diable (Jonathan Gagnon) en remportant contre lui une joute rhétorique. Alors, ce dernier se venge en le faisant tomber amoureux de Justina (Marie-Hélène Lalande), une chrétienne vertueuse éconduisant tous ses prétendants, y compris notre héros. De sorte que le jeune homme en vient à conclure un pacte avec le responsable de son malheur afin d’obtenir l’objet de son désir. Mais c’est sans compter un facteur déterminant: le libre arbitre de l’être humain…

Voilà pour les grandes lignes du Magicien prodigieux de Pedro Calderón de la Barca, dont demeurent répliques joliment tournées, histoire divertissante et considérations philosophiques. Cela dit, c’est l’adaptation "libertaire" mise en avant par Philippe Soldevila qui confère à cette production toute sa pertinence. En effet, en nous présentant, plutôt que la pièce elle-même, le spectacle qu’en proposent le Diable et sa bande (Israël Gamache, Nicolas Létourneau, Patrick Ouellet, Marie-France Tanguay et Nicola-Frank Vachon), il introduit une distanciation lui permettant de poser un regard critique, non seulement sur le texte, mais aussi, sur le théâtre, voire sur la société actuelle. Sans compter que ce dévoilement des artifices scéniques, en plus d’introduire un second degré de lecture intéressant, s’avère fort comique.

Aussi, de même que l’on met en évidence les mécanismes tant de l’écriture dramatique que de la représentation, on fait ici preuve d’une exagération marquée, dont la constance n’a d’égal que la généralisation. Autrement dit, l’interprétation donne dans la caricature délirante, le décor (Erica Schmitz) et les costumes (Jeanne Lapierre), dans l’artisanat grotesque, tandis que les effets lumineux (Christian Fontaine) et musicaux (Pascal Robitaille) s’avèrent outrageusement appuyés. Mais il n’y a pas à s’y méprendre, l’inventivité déployée à paraître mauvais s’y dresse en manière de garantie contre la médiocrité. En ressort une parodie efficace, à laquelle on pardonne volontiers digressions, récurrences et maladresses, puisqu’elles permettent aux comédiens de laisser libre cours à leurs amusantes pitreries. On se réjouit de même de l’humour volontairement potache de cette grande fête sans prétention, misant sur le potentiel du jeu et du spectacle dans ce qu’ils ont de plus fou, pour nous faire rire intelligemment.

Jusqu’au 12 avril
Au Théâtre Périscope
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