Boucar Diouf : Oiseau rare
Scène

Boucar Diouf : Oiseau rare

Ces jours-ci, Boucar Diouf est de retour dans la région montréalaise avec son unique combinaison d’humour et d’enseignement de la sagesse africaine.

Treize années passées à Rimouski, dans le Bas-du-Fleuve, ont transformé Boucar Diouf en un Québécois "d’icitte", un pure laine exotique aux accents particuliers. Parti du pays de la téranga (de l’hospitalité, en wolof) pour venir enseigner aux étudiants de l’Université du Québec à Rimouski, Diouf affronte maintenant un nouveau défi. Lequel? Celui de combiner humour et enseignement de la sagesse africaine. "Si j’ai fait des études supérieures, ce n’est pas parce que je voulais devenir chercheur, mais plutôt parce que je voulais me donner toutes les chances de ne pas cultiver des arachides. En effet, comme on dit au Québec, cultiver des arachides, c’est travailler pour des peanuts", lance-t-il au tout début de son spectacle.

Être très drôle, faire réfléchir et faire voyager le spectateur d’une émotion à l’autre, voilà les défis que s’est lancé Diouf. "Avant mon départ, aime raconter l’oiseau rare, j’ai eu une semaine de cours intensifs sur le choc culturel et l’adaptation à la culture québécoise. Par contre, on avait omis de me parler du choc thermique. C’est ce que j’ai compris lorsque j’ai découvert l’hiver du Québec en robe africaine." Confronté aux températures glaciales de l’hiver québécois, Diouf a décidé de faire sa thèse de doctorat sur l’adaptation au froid chez les ectothermes, les poissons. "Après avoir soutenu ma thèse, je me suis posé la question fatale: "Qu’est-ce que tu vas faire avec une telle spécialisation au Sénégal où il fait 40º à l’ombre?""

Son spectacle, Diouf le présente comme une fusion de l’Afrique et du Québec. Avec un savoureux mélange de contes humoristiques et de proverbes africains, il propose un voyage au pays de ses ancêtres, entre la banquise et la savane. Se servant des paroles de son grand-père pour présenter la philosophie sénégalaise, l’humoriste désire transporter le spectateur en plein exotisme. "Mon spectacle est un mélange des deux cultures. Moi, j’aime beaucoup rire avec tout le monde", dit-il, expliquant ainsi les clins d’oeil stéréotypés à la culture québécoise qu’il se permet de faire sur scène. "On peut être immigrant et adhérer aux symboles d’ici", poursuit-il, racontant qu’à son arrivée, l’immigrant est confronté à une problématique à double sens: son identité et la culture d’accueil.

Dans une mise en scène minimaliste et un humour intelligent, Diouf porte donc un regard sur la culture québécoise, au moyen de ses différentes expériences. "J’aime le feeling de me retrouver sur scène. Je pense que c’est une façon pour me guérir moi-même, explique-t-il. Et peut-être que ça peut aider à changer les perceptions de l’immigration." Parmi les nombreux exemples dont il se sert pour exemplifier les défis d’adaptation pour un immigrant africain, le plus mémorable est, certes, un monologue sur les vêtements d’hiver.

D’un ton sérieux, Diouf explique qu’un collègue lui a suggéré d’acheter des mitaines pour recouvrir ses mains. Imaginez la surprise dans la salle lorsque l’Africain revient vêtu de mitaines… de four! "Cet exemple est réellement arrivé à des étudiants", assure-t-il. Est-ce que les immigrants se reconnaissent dans l’humour de Diouf? "C’est une bonne question. Je pense que les immigrants sont très fiers. Malheureusement, on ne les voit pas dans les salles de spectacle", ajoute-t-il, expliquant que ce sont les Québécois de souche qui assistent à ses spectacles.

Du Sénégal au Québec, de l’université à l’humour, Boucar Diouf a su trouver un fil conducteur: l’adhésion à une philosophie. "La vie est comme un fleuve. Il faut se laisser entraîner. Et quand il y a un rocher, suffit de le contourner." Gageons que ce sont là les paroles de son grand-père!