Marco Micone : Carnaval de Venise
Scène

Marco Micone : Carnaval de Venise

Alors que Carl Béchard met en scène L’Imprésario de Smyrne au Théâtre du Nouveau Monde, Marco Micone, fidèle traducteur des pièces de Goldoni, nous parle de l’univers du grand maître italien.

Écrivain et traducteur, Marco Micone a quitté son Italie natale pour le Québec vers la fin des années 50. Il avait 13 ans. Amoureux de théâtre, il se lance en études littéraires puis écrit Addolorata et Gens du silence, ses deux premières pièces, mises en scène par Lorraine Pintal en 1983 et 1984.

Devenue directrice artistique du Théâtre du Nouveau Monde, Pintal invite Micone à traduire Six personnages en quête d’auteur de Pirandello. Depuis, l’homme a signé pour le TNM la traduction de deux Goldoni: La Locandiera (1993) et La Serva amorosa (1997). Aujourd’hui, il récidive avec L’Imprésario de Smyrne, une pièce souvent reléguée aux oubliettes que Carl Béchard s’approprie avec, notamment, Sophie Cadieux, Sylvie Drapeau, Pascale Montpetit, Robert Lalonde et Alain Zouvi.

CLASSIQUE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

Venise, 18e siècle. Les jeunes gens sans le sou affluent de toute l’Italie pour tenter leur chance dans cette ville où bourgeonnent les théâtres. Le comte Lasca, séducteur invétéré, y rencontre une troupe d’artistes lyriques qu’il décide de soutenir en proposant à ses membres de participer à un spectacle d’opéra produit par Ali, un riche commerçant turc de passage. Les artistes mégalomanes et cantatrices vaniteuses – mi-chanteuses, mi-courtisanes – se livreront alors un combat sans merci pour tenter de décrocher un rôle!

"Pour comprendre l’oeuvre de Goldoni, lance d’emblée Micone, il faut saisir le contexte historique. À partir du 13e siècle, Venise s’enrichit et développe, grâce à son port, d’importants liens commerciaux avec l’Europe et le Moyen-Orient. Cette situation crée des clivages sociaux auxquels Goldoni s’intéresse. Dans cette pièce, il dénonce notamment le parasitisme de la noblesse via le personnage de Lasca."

Lorsqu’il traduit un texte classique, Micone tente systématiquement de l’inscrire dans la société actuelle. "J’ai choisi de traduire cette pièce à cause d’Ali, le personnage turc et musulman. Récemment, nous avons beaucoup parlé de la religion et de l’islam, et j’ai voulu utiliser cette pièce pour faire écho à ce que nous vivons au Québec. Dans la pièce d’origine, le personnage turc était très caricatural. Ici, je lui ai donné une épaisseur psychologique."

Selon Micone, une traduction d’une fidélité absolue n’existe pas, "puisqu’il faudrait pour cela une correspondance parfaite entre deux langues, deux cultures, deux imaginaires". L’homme soutient que le rôle du traducteur est de donner une nouvelle cohérence à l’oeuvre pour que le texte soit aussi significatif pour notre époque qu’il l’a été pour celle de l’auteur. Pour L’Imprésario de Smyrne, il a notamment ajouté quelques fragments de scène et des descriptions de Venise, en plus d’insister sur certaines allusions historiques présentes dans l’oeuvre originale, question de bien illustrer les particularités sociales et culturelles du Venise des années 1700.

"Dans les textes de Goldoni, enchaîne Micone, le travail sur la langue n’est pas aussi exigeant que dans une comédie de Molière, car ses pièces s’inspirent du parler populaire et de la commedia dell’arte où la psychologie des personnages s’exprime par l’action. Le traducteur a donc une plus grande liberté." Ainsi, tout en conservant la structure du texte, Micone s’est permis l’ajout de quelques éléments d’humour langagier.

"Cette mécanique théâtrale est géniale, lance le traducteur. Goldoni a une façon unique de mettre en scène les quiproquos, la parodie, le théâtre dans le théâtre, les retournements de situations, les jeux de mots et les conflits homme-femme. Sans oublier le caractère festif de ce théâtre, c’est lui qui mène toujours à une résolution heureuse des conflits."

Du 15 avril au 10 mai
Au Théâtre du Nouveau Monde
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