Tedd Robinson : La vie est un songe
L’énigmatique Tedd Robinson dévoile REDD, une de ces pièces étranges et pénétrantes dont il a le secret. Une occasion de le voir en solo qui pourrait bien ne pas se renouveler avant longtemps.
La dernière fois qu’on a vu Tedd Robinson à Montréal, c’était en 2005 dans Cobalt Rouge, qu’il signait pour le retour à la scène de Louise Lecavalier. L’année d’avant, il nous avait ravis avec trois duos où il partageait la scène avec des danseuses d’exception. Dans les deux cas, il incarnait une figure étrange, présence intense et quasi immobile qui, à elle seule, créait l’atmosphère de la pièce. Plutôt que de parler de danse, il préfère qualifier son travail de performance orientée par les images.
"REDD est une sorte de collage vivant d’images avec de petites surprises qui émergent ici et là, commente-t-il. Mais la base de la pièce est une évolution tranquille vers de subtiles révélations." Troisième volet d’une trilogie autobiographique amorcée en 1986, l’oeuvre se décline en trois tableaux. Dans REading, Robinson raconte comment il a choisi de s’exiler à la campagne et décrit par une série d’anecdotes la vie qu’il y mène. Le texte, en anglais, sera traduit dans le programme pour les francophones. La seconde partie, Dreaming, est un rêve qui développe l’imagerie particulière des cultures japonaise et écossaise, qui lui sont chères. Enfin, Dying est une allégorie de la nécessité de mourir à toute chose pour se renouveler et demeurer vivant.
"Comme dans la métaphore bouddhiste de l’oignon auquel on enlève des pelures pour alléger le mental, j’ôte des couches une à une pour découvrir des choses", explique celui qui a pratiqué le zen pendant six ans dans une école d’Ottawa, sa ville natale. Mais si certains trouvent à ses pièces une portée spirituelle, il les voit avant tout comme des oeuvres d’art. "Le zen m’inspire beaucoup dans l’imagerie et dans le processus de création, reconnaît le quinquagénaire. Je ne planifie rien à l’avance, j’arrive en studio non préparé et je travaille avec tout ce qui émerge. C’est vrai que de danser pendant le processus peut s’apparenter à une méditation en mouvement, mais une fois que je suis sur scène, ça devient une performance."
Tedd Robinson oeuvre toujours de manière très intuitive et avoue sans complexe ne pas savoir ce qu’il fait ni où il va au moment où il crée. Il découvre parfois plus tard le sens qui se cache derrière ses créations et s’accommode fort bien des interprétations. Qui croirait, par exemple, que cet humour qu’on lui reconnaît fréquemment est tout à fait fortuit? "Dans les années 70, j’étais totalement sérieux dans ce que je faisais et les gens riaient. C’était un problème, raconte-t-il en rigolant. Au fond, ça ne me dérange pas parce que ça arrive tout le temps et que ça signifie que les gens sont touchés d’une certaine façon."
Désormais installé dans une ferme du Pontiac, Robinson a transformé sa grange en studio-théâtre où il continuera de créer pour d’autres avec 10 Gates Dancing, la compagnie qu’il a fondée en 1998. Il poursuivra également ses activités d’enseignement mais il est convaincu qu’il a beaucoup à gagner en quittant la scène pour une dizaine d’années. Plutôt que d’attendre ce rendez-vous hypothétique, profitons de l’occasion qui nous est donnée d’apprécier aujourd’hui cet artiste hors du commun.
Du 23 au 26 avril
À l’Agora de la danse
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