Wim Vandekeybus : L’oeuvre du temps
L’indémodable Belge Wim Vandekeybus nous offre un retour sur 20 ans de création avec Spiegel, un collage dynamique et percutant interprété par neuf danseurs de haut vol.
Après Anne Teresa De Keersmaeker et Jan Fabre, un nouveau fleuron des arts de la scène belges débarque à Montréal. Réputé pour l’énergie débridée de sa gestuelle ultra-physique et le caractère théâtral et cinématographique de ses pièces, Wim Vandekeybus est un créateur des plus prolifiques et des plus efficaces depuis qu’il a fondé sa compagnie, en 1986. Baptisée Ultima Vez, qui signifie "dernière fois" en espagnol, elle présente des oeuvres animées par la dynamique récurrente du conflit, du risque et de la catastrophe.
"J’ai été surpris de découvrir que les plus vieilles scènes qu’on a reprises étaient presque visionnaires, constate le Flamand. J’étais déjà très intéressé par la catastrophe, l’imprévisible, l’accident, et ce sont des choses encore plus contemporaines qu’elles ne l’étaient à l’époque: cette angoisse-là se vit aujourd’hui dans la société. En plus, Spiegel est une pièce sans texte, elle est pure musique et pur mouvement. Ça fait du bien à côté des oeuvres actuelles qui sont très conceptuelles et de la vague de non-danse qui parcourt l’Europe."
Régulièrement soumis à des situations dangereuses, les danseurs n’ont d’autres recours que de se fier à leurs instincts pour échapper au désastre. Par exemple, dans What the Body Does Not Remember, la toute première création de Vandekeybus, ils provoquent des chutes de briques avant d’être suspendus dans les airs. Après un premier accueil étonné, la pièce avait reçu un prix Bessie. Elle a été reprise plusieurs fois au fil du temps et ses séquences les plus fortes apparaissent dans Spiegel (miroir).
"J’ai fait ce collage de manière très instinctive, en faisant mes choix mais en laissant choisir aussi les danseurs, commente le chorégraphe. Ils ont opté pour des scènes que je ne voulais pas reprendre et vice-versa." Certaines d’entre elles sont reprises telles quelles, d’autres ont été raccourcies, des mouvements de groupe sont devenus des solos, et certains extraits de différentes pièces ont été fondus en une nouvelle chorégraphie orchestrée par une nouvelle partition musicale. Pour le reste, la pièce reprend les créations originales de collaborateurs de longue date tels que Thierry De Mey, le guitariste David Byrne, Marc Ribot et le chanteur Arno.
Créée en 2006 pour les 20 ans de la compagnie, Spiegel comprend des extraits de six oeuvres seulement, parmi la vingtaine que Vandekeybus a conçues pour la scène – il en a réalisé presque autant pour le cinéma. Plus qu’un collage, il s’agit d’un hommage à l’essence du langage gestuel qu’il a peaufiné au fil du temps avec les interprètes. L’extrait le plus récent date de 2000. "On a beaucoup tourné avec les dernières pièces et ce sont des histoires dont il est difficile d’extraire des passages, justifie le créateur. Et puis, je ne voulais pas que le public revoie des oeuvres trop récentes. Comme il se renouvelle tous les 10 ans, je trouvais plus intéressant de montrer des choses qui datent de 15 ou 20 ans."
À Montréal, Vandekeybus fera une apparition sur scène dans le rôle très particulier d’un cheval. Et pendant 1 h 30, neuf danseurs traverseront le temps pour nous livrer le coeur de son oeuvre. "Suivant que mes pièces sont plus théâtrales ou plus physiques, je ne choisis pas le même type de danseurs, explique celui qui mènera une audition durant son séjour à Montréal. Je cherche des personnalités et une capacité de performance supérieure à la mienne. Ensuite, je dirige comme au théâtre pour que les danseurs jouent leur mouvement en cachant leur technique; que ce ne soit pas juste une performance mais une communication. Pour Spiegel, j’ai choisi des gens très intuitifs et très résistants, qui sachent gérer leur énergie. Car c’est une pièce très physique. C’est comme courir un marathon très vif et très intense."
Du 24 au 26 avril
Au Théâtre Maisonneuve de la PdA
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