Martin Genest : La Commedia revisitée
Martin Genest explore, dans L’Oiseau vert, un univers débridé: fantastique et magie y côtoient l’irrévérence. Quoi de mieux pour le traduire… que des marionnettes?
Après le joyeux Jacques et son maître (hiver 2006), voilà que le Trident et Pupulus Mordicus collaborent de nouveau. Avec une "équipe hyper-généreuse" de concepteurs follement créatifs et de comédiens enthousiastes, Martin Genest met en scène une pièce aux allures de conte, L’oiseau vert, de Carlo Gozzi (1720-1806). On y rencontre des jumeaux de 18 ans qui, apprenant que ceux qui les ont élevés ne sont pas leurs parents, partiront à la recherche de leurs parents véritables; en chemin, ils feront de surprenantes rencontres, dont celle du mystérieux Oiseau vert. "Dans Jacques…, le travail avec la marionnette était porteur du discours, explique-t-il: on parlait de manipulation. Cette fois-ci, la marionnette est plutôt au service de la magie: il y a des châteaux qui poussent, des pommes qui chantent… C’est un terrain de jeu assez incroyable!"
Pièce issue de la Commedia dell’arte – écrite à partir d’improvisations -, L’Oiseau vert en garde l’aspect imaginatif et un peu brouillon. "Après Phèdre (hiver 2007), où tout est assez cartésien malgré des émotions explosives, je tombe dans une affaire totalement désordonnée. Même la structure dramatique est complexe: plusieurs lieux, plusieurs histoires, et beaucoup d’information. Mais l’anecdote est tellement frivole, c’est pas grave si on ne saisit pas tout. Ce qui compte, c’est vraiment le plaisir de déguster les tableaux, de voir les personnages et cet univers farfelu, burlesque, grotesque aussi, se déployer. Et si on prend la ligne philosophique, on parle d’une chose: l’altruisme versus l’égoïsme. Sommes-nous généreux, honnêtement, ou pour en retirer une gratification?"
Pour raconter cette fable, dix comédiens, devenant aussi manipulateurs. Parmi eux, très peu ont l’habitude de la marionnette. "Au début, avec la marionnette, les acteurs sont déstabilisés, ne savent plus leur texte, ni comment jouer, mais ils finissent par prendre le tour." Après l’apprivoisement technique, vient le plaisir fou. Qu’il faut parfois endiguer, la marionnette invitant de temps en temps au cabotinage. "L’une de mes tâches, c’est de veiller à ce qu’on ne perde pas de vue l’histoire. Déjà, elle est complexe, et on y ajoute un feu d’artifice de folie. J’ai insisté beaucoup auprès des comédiens: faut jouer la situation. C’est simple: tout le monde s’adonne bien; c’est facile dans ce temps-là de déraper, de décoller. Quand on est une belle gang, moi, faut que je tienne les cordes…"
Chaque spectacle, pour Martin Genest et son équipe, apparaît comme une "occasion d’apprendre, de grandir, artistiquement". Cette fois, incursion dans l’univers asiatique. "Gozzi s’inspire de contes orientaux; je trouvais cette piste-là intéressante. Bien sûr, on a déformé les choses, mais le champ qui s’ouvrait à nous était immense: le bunraku (tradition très ancienne, dans laquelle une marionnette est manipulée à plusieurs), le kabuki, l’ombre chinoise, le kathakali. On n’avait jamais plongé dans ça; et ça convient tout à fait à la couleur de Gozzi: la féérie. Parce que monter L’oiseau vert, c’est tout un défi scénique."
Jusqu’au 17 mai
Au Grand Théâtre
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