René Richard Cyr : Faire éclater la vérité
René Richard Cyr procède à une nouvelle incursion dans l’oeuvre théâtrale de Michel Tremblay. Avec Le Vrai Monde?, le metteur en scène s’engage, avec des acteurs de choix, sur un territoire particulièrement fertile.
René Richard Cyr est en voie de devenir un expert du théâtre de Michel Tremblay. Après avoir mis en scène Bonjour, là, bonjour (TNM, 1987), En pièces détachées (TNM, 1994), À toi, pour toujours, ta Marie-Lou (Duceppe, 1996) et Bonbons assortis (Rideau Vert, 2006), et, bien sûr, joué Hosanna (Quat’Sous/CNA, 1991) sous la direction de Lorraine Pintal, l’homme de théâtre se mesure à une oeuvre qui est pour ainsi dire un classique de notre dramaturgie: Le Vrai Monde?.
De la création de la pièce par André Brassard, il y a 20 ans au Rideau Vert, Cyr garde un souvenir impérissable. "Je pense que c’est le spectacle qui m’a le plus fait pleurer dans ma vie. Quelque chose de sournois s’était installé durant la représentation, et à la fin, j’ai été envahi d’une crise de larmes incontrôlable. C’était tellement extraordinaire que pendant longtemps, j’ai pensé qu’on ne pouvait rien faire de mieux avec cette pièce." Puis, quand l’équipe de la Compagnie Jean Duceppe lui a proposé de s’y attaquer, le metteur en scène a accepté de la relire. "Là, il s’est produit quelque chose, explique-t-il. C’est comme si j’étais redevenu neuf, comme si j’avais réussi à oublier les images d’origine."
HISTOIRES DE FAMILLE
À 23 ans, Claude (Benoît McGinnis) rêve de devenir écrivain. Sa première pièce met en scène trois personnages (incarnés par Bernard Fortin, Josée Deschênes et Milène Leclerc) qui portent les noms de son père, de sa mère et de sa soeur, les trois êtres chers desquels il s’est inspiré. Ses personnages prennent vie et côtoient leurs modèles (incarnés par Normand D’Amour, Marie-France Lambert et Émilie Bibeau). S’ensuit une terrible et fascinante confrontation, un duel où s’agitent le double fond des choses, la multiplicité des perceptions et des réalités, la douleur des uns et celle des autres. Mais dans toutes ces voix parallèles, qui dit vrai? Quand le déni fait loi, il n’est pas chose aisée de faire éclater la vérité.
Du point de vue du metteur en scène, l’oeuvre est d’une infinie cruauté. Il faut dire que les sujets abordés (inceste, adultère, divorce, relation père- fils conflictuelle, complexe d’OEdipe irrésolu, homosexualité) sont délicats, surtout en 1965, une époque dont la pièce est absolument indissociable. "C’est un univers à prendre ou à laisser. C’est profond, dans toute la richesse du mot. Les personnages ne se crient pas par la tête, comme dans plusieurs des autres pièces de Tremblay, mais il y a une telle rage sourde. C’est terriblement méchant, étouffant. C’est un volcan qui est prêt à exploser."
Avec une matière aussi dense, il y avait forcément des pièges à éviter. "J’ai essayé d’en faire un spectacle le moins dramatique possible et le plus tragique possible, explique Cyr. Je ne voulais pas perdre l’idée de la confrontation. Ce n’est pas une pièce sur l’inceste, ce n’est pas une pièce sur l’adultère, c’est une pièce sur le mensonge et la vérité. Ce sont des visions qui s’affrontent. Pour cette famille, ce n’est pas un mardi soir comme un autre. C’est une véritable épreuve!"
Les 25 et 26 avril à 20h
À la salle Odyssée
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DANS LA PEAU DE CLAUDE
Pour découvrir le théâtre de Michel Tremblay, il n’y a probablement pas mieux que Le Vrai Monde?. Tous les grands enjeux de l’oeuvre s’y trouvent. À commencer par le rôle terriblement exigeant de l’écrivain, celui qui est pour ainsi dire chargé de dresser le portrait de sa famille, avec toutes les parts d’ombre, mais aussi avec l’immense subjectivité que cela implique. Le personnage de Claude, alter ego de l’auteur, a déjà été incarné par Patrice Coquereau, Michel Poirier et Serge Mandeville. Sans Benoît McGinnis, René Richard Cyr n’aurait probablement pas accepté de mettre en scène la pièce. "Je peux dire que je vis un gros coup de foudre professionnel avec Benoît. C’est un acteur qui me transporte énormément. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai accepté de monter Le Vrai Monde?. Pour lui donner le personnage de Claude." Sans dénigrer ce qui a été fait auparavant avec le texte, à la scène ou à la télévision, Cyr voulait que sa lecture place le personnage de Claude au coeur de l’action. "Je voulais que ce soit l’histoire de Claude, qu’il soit au centre de cet univers qui, au fond, émane de lui."