Geneviève La et Jung-Ah Chung : Entre chien et loup

En 2006, à pareille époque, Geneviève La oeuvrait à l’unification de ses identités québécoise et vietnamienne dans un solo sensible et coloré intitulé Des racines et des ailes. La voilà de retour avec une pièce de groupe pour parler de la perte, de la transmission, et montrer comment les étapes d’un deuil peuvent aboutir à une nouvelle forme d’intégration.

"La création s’appelle L’heure bleue parce que c’était le parfum de ma grand-mère et que c’est aussi l’heure où elle est décédée, confie la jeune femme. C’est ce moment entre le jour et la nuit où on dit que les morts et les vivants se rencontrent. Mais comme les oiseaux diurnes et nocturnes ne se croisent jamais, c’est aussi un temps de suspension."

Avec ce thème, la chorégraphe pousse plus loin sa quête identitaire et affirme un peu plus son épanouissement. Le bébé qui grandit dans son ventre et devrait voir le jour à la fin mai en est d’ailleurs une magnifique expression. Apportant une nouvelle donne, il contribue à renouveler sa perception du monde. "Après avoir créé pendant des années par urgence, par nécessité, je trouve intéressant que ce processus qui était un phénomène de résilience devienne plus un phénomène d’expansion, se réjouit-elle. Ce mouvement existait déjà, mais la grossesse l’a accentué. Et puis le bébé est un participant à la fois très visible et invisible, comme les ancêtres asiatiques auxquels on fait référence dans la pièce: ils sont présents, ils teintent nos vies, mais ils ne sont pas visibles. J’aime beaucoup ce recoupement-là."

Dans la perspective de créer dans la joie plutôt que dans la douleur, Geneviève La a choisi de danser avec son conjoint, Alexandre Dubois, deux bonnes amies, Anne-Marie Jourdenais et Geneviève Rouillard, et deux jeunes artistes dont elle apprécie le talent: David Laurin et Gabriel Lessard. Ensemble, ils ont produit une oeuvre de 40 minutes dont la chorégraphe tient à partager officiellement la paternité.

DE SEOUL A VANCOUVER

Une autre artiste est au programme avec Connection, un solo de 25 minutes qui devrait entrer en parfaite résonnance avec la création de La. Âgée de 37 ans, Jung-Ah Chung a vécu en Corée avant de s’établir en Colombie-Britannique, en 1999. Médaillée d’or et d’argent dans son pays pour ses performances de danseuse, elle a été sacrée meilleure interprète, puis meilleure chorégraphe par un magazine de Victoria. La pièce qu’elle nous présente date de 2005.

"J’ai créé cette pièce à partir des émotions que j’ai ressenties en atterrissant au Canada, raconte celle qui a immigré par amour. C’était surstimulant; il y avait beaucoup de choses à découvrir et aussi beaucoup de choses à changer. D’une certaine façon, j’avais l’impression de me perdre et c’était très angoissant. Alors j’ai invoqué une sorte de pouvoir surnaturel pour me connecter à moi-même, à mon âme, et y trouver l’essence de ce que je voulais conserver ainsi que la capacité de m’adapter à mon nouvel environnement."

Dans cette oeuvre à saveur chamanique, Chung mêle de manière organique les gestuelles et esthétiques de l’Orient et de l’Occident. "La danse coréenne est très enracinée; elle utilise beaucoup la gravité, explique-t-elle. Elle comprend aussi une technique de souffle très particulière qui consiste à retenir son souffle pour qu’une autre forme de respiration apparaisse." Pour ce qui est des influences occidentales, elle cite Martha Graham pour la technique de base, le ballet, et tous les chorégraphes pour qui elle a dansé, parmi lesquels Ae-Soon Ahn et Wen Wei Wang dont nous avons déjà pu apprécier le talent à Montréal.

Le 8 mai, elle dansera pour la première fois au Québec et marquera son retour sur les planches après une opération du genou. Ce sera aussi la soirée-bénéfice de Tangente, présidée par l’auteur Dany Laferrière. Une grosse soirée en perspective…

Du 8 au 11 mai
À Tangente