Autopsie d'une wetback : Rêve américain
Scène

Autopsie d’une wetback : Rêve américain

Avec Autopsie d’une wetback, le collectif La Bohème et la Coriandre dénonce et enchante.

Dans un vieux loft qui autrefois accueillait une manufacture de vêtements, Marie-Mathilde Riffaud, scénographe, nous donne billets et lampes de poche. Derrière elle, un mur où sont affichées dans la noirceur quelques photos. Leurs légendes nous exposent la situation économique, sociale et émotionnelle des wetbacks, ces Mexicains qui tentent de traverser illégalement la frontière, en particulier par le fleuve Rio Grande, pour trouver une nouvelle vie aux États-Unis.

Au bout de ce périple photographique nous attend Isabelle Lebire, metteure en scène, près d’une cantine qui ne sert que du typiquement mexicain. Des banderoles colorées et l’évocation d’une chapelle complètent le tableau d’ensemble. Le Mexique a-t-il pris Montréal d’assaut?

Une fois l’univers installé, deux comédiens, une chanteuse et un musicien remplissent l’espace. On y rencontre Maribel, une femme qui, pour quelques mois, quitte le Mexique à la recherche de meilleures chances d’emploi. La brutalité du monde fera toutefois s’éterniser son séjour: sexuellement agressée par le passeur, escroquée, puis forcée aux pires extrêmes parce que personne ne donne de travail aux sans-papiers, Maribel est l’incarnation de la wetback, avec ses misères et ses espoirs.

Cette fable, cousue de musique et de poésie, fluide mais dure, laisse chanter l’espagnol aux côtés du français et de l’anglais dans un amalgame riche mais pas totalement maîtrisé. Mireille Tawfik (un peu maladroite, mais touchante) jongle entre le québécois et le français international, alors que l’accent espagnol prononcé de Jorge Martinez Colorado (très intense, parfois trop) entrave légèrement la bonne compréhension de l’intrigue. Martinez, qui incarne tous les individus que rencontre Maribel, doit d’ailleurs composer avec un manque d’indications visuelles. Les personnages en deviennent vagues et les changements, confus.

La représentation est riche, savoureuse et donne envie d’en savoir plus. Malgré la présence de quelques clichés, on ne peut que s’incliner devant un engagement aussi total envers son sujet. L’équipe de La Bohème et la Coriandre est en amour avec le Mexique. Autopsie d’une wetback transpire leur bonheur de nous faire découvrir la beauté et la cruauté d’une réalité qui, malheureusement, subsiste encore.

Jusqu’au 10 mai
Au 6545, rue Durocher, local 200
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