Danièle Desnoyers : Vivre avec son temps
Scène

Danièle Desnoyers : Vivre avec son temps

Danièle Desnoyers donne le coup d’envoi du FTA avec Là où je vis, une pièce qui marque une nouvelle étape dans son travail avec la musique et qui intègre pour la première fois une artiste visuelle en direct.

Reconnue pour son exploration inexorable de la dramaturgie du son, la chorégraphe Danièle Desnoyers ne cesse de questionner le rapport de la danse à la musique. "Ma gestuelle demande précision, tonicité et relâchement, mais elle est aussi musicale, affirme-t-elle. Je la développe dans le silence en relation à l’espace et au temps, et je l’évalue en l’écoutant. Il faut que je l’entende avant de la voir, qu’elle ait une résonance dans le temps, que ce soit quelque chose de très vivant."

Dans les oeuvres de celle qui a fondé la compagnie Le Carré des Lombes, il y a toujours interaction entre l’environnement sonore et visuel et les danseurs. Cette fois, l’artiste visuelle Manon De Pauw crée en direct une intrigue scénographique évolutive. "Je ne voulais pas qu’elle fasse juste un décor, commente Desnoyers. Je tenais à ce que Manon ait son propre discours à l’intérieur de la pièce, en respect avec sa pratique. Ça donne une structure assez complexe et c’est pour ça que j’ai demandé au dramaturge Guy Cools de travailler avec nous."

Concrètement, De Pauw manipule des objets sur une table lumineuse. Filmées par une caméra suspendue, ces manipulations remodèlent l’espace scénique en étant projetées en direct ou avec un délai en divers endroits que les danseurs habitent alors de manière différente. Pour ce qui est de la trame musicale, Desnoyers renoue avec une collaboratrice de longue date: l’artiste sonore Nancy Tobin, qui utilise ici principalement de la musique noise (ou bruitiste).

"C’est une musique actuelle qui répond à des préoccupations contemporaines, justifie la chorégraphe. Mais cette fois, on a plus cherché la beauté que la dissonance ou la confrontation avec le spectateur. Il y a vraiment une porte ouverte sur une nouvelle sensibilité." Une transformation en résonance avec la musique symphonique que Desnoyers a utilisée dans le processus de création. "Même si je me suis concentrée sur la période romantique, je ne me suis attachée à rien, j’ai créé sans aucune dépendance musicale. La danse est donc très autonome. Les émotions proviennent essentiellement de la danse et des interprètes. Nancy vient juste les appuyer."

Autre changement en regard des oeuvres précédentes, la pièce est moins abstraite que d’habitude. Bien qu’elle n’ait pas de structure narrative à proprement parler, elle est bâtie sur des rencontres entre les interprètes dont on peut aisément suivre les évolutions. Des rencontres qui font sans doute écho aux aléas de la vie qui ont conduit la chorégraphe, pourtant fidèle à ses danseurs, à changer totalement sa distribution pour travailler avec Clara Furey, Alan Lake, Pierre-Marc Ouellette, Frédéric Tavernini et Catherine Viau.

"Dans cette pièce, je me demande dans quel état, dans quels corps et dans quels territoires artistiques et sociaux sont mes interprètes, conclut Desnoyers. Ce n’est pas un hasard si j’ai engagé des danseurs de la relève. Je suis curieuse de découvrir ce qui émerge de cette nouvelle génération, comment elle bouge, à quoi elle pense et quelles sont ses préoccupations." Avouons-le: nous aussi.

Du 22 au 25 mai
À l’Agora de la danse