Là : Le temps qui court
Scène

Là : Le temps qui court

Avec Là de Serge Boucher, le metteur en scène Mathieu Charette réalise son fantasme de diriger une importante distribution dans un esprit de grande convivialité. Rencontre.

La pièce est la plus récente du dramaturge québécois Serge Boucher (24 Poses [Portraits], Motel Hélène). Elle a été créée au Théâtre Jean Duceppe en février dernier sous la direction de René-Richard Cyr. raconte l’histoire de François (personnage récurrent chez Boucher) qui retourne dans le restaurant familial où il a grandi pour apprendre que ce lieu chéri sera transformé en un vulgaire Jean Coutu. La nouvelle lui vient de la bouche de Sylvie, son amie de longue date et actuelle propriétaire de l’endroit, qui se résout impunément à la tournure des événements.

Pour le metteur en scène Mathieu Charette (qui avait monté Motel Paradise, Burlington en 2004), reprendre la pièce dans une production communautaire est une occasion en or de diriger une large distribution, avec 17 comédiens endossant 21 personnages.

Une quarantaine d’années défilent dans la pièce, qui propose aussi un voyage dans le temps: "Ce sont des tableaux vivants où on voit évoluer la vie de personnes qui gravitent autour d’un resto – la clientèle, les employés – et ce qui arrive quand le resto ferme, que le temps passe… que la vie continue et qu’il ne reste que des souvenirs, finalement", relate le metteur en scène.

Deux types de tempéraments se côtoient dans la pièce: ceux qui, comme Denis et Claire, les parents de François, sont "dans la vie", subissent ses revers et absorbent ses contrecoups, et ceux qui, comme François, sont dans le songe, le regret, le trouble devant les épreuves. "Les personnages qui sont dans le quotidien, moins dans leur tête, s’en sortent plus heureux, je crois. Il y a beaucoup de répliques sur le fait qu’il faut travailler dans la vie… Mais je pense que c’est cette acceptation de l’"ouvrage", de la beauté et de la laideur qui fait que ces personnes vieillissent mieux. François, qui est plus fermé, retiré, est plus dans l’observation que la communication."

L’auteur, que l’on se plaît à désigner comme un digne héritier de Michel Tremblay, a lui-même passé son enfance dans le restaurant de ses parents et reproduit avec beaucoup d’authenticité l’esprit convivial d’un commerce de village où les gens se réunissent. "J’ai moi aussi quitté mon village de Saint-Pierre-de-Wakefield et quand je repasse, ça me fait beaucoup réagir, confie Mathieu Charette. Le personnage de François le dit dans la pièce: tout ce qui nous appartient, ce sont nos souvenirs, parce que le carré de terre appartient à tout le monde. Le matériel s’en va mais ce qui nous reste, c’est l’amour. Serge Boucher fait passer ce message dans des répliques toutes simples qui traduisent cette détresse, cette nostalgie, ces regrets, cette joie aussi."

Le metteur en scène n’a qu’un seul regret par rapport à cette production: celui d’avoir disposé de si peu de temps avec les comédiens bénévoles – moins de six semaines -, qui avaient tous des horaires chargés. Il n’a cependant aucune réserve quant à la "lecture" du texte de Boucher qu’il a voulu donner. "En comparaison avec la Place des Arts, où la pièce a été créée, j’avais totalement une autre consigne au Théâtre de l’Île. Les comédiens n’ont pas besoin de jouer aussi gros pour aller chercher le public. Je pense aussi m’inscrire davantage dans le drame du texte. J’ai pu aller vers quelque chose de plus sincère, de plus petit, de plus vrai. Ça rend le drame plus présent et la comédie moins grasse. Bref, on n’a pas l’impression de regarder par le trou de la serrure, on est là avec eux dans le resto!" constate-t-il enfin.

Jusqu’au 21 juin
Au Théâtre de l’Île
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À voir si vous aimez / Le Matou d’Yves Beauchemin, Motel Hélène et 24 Poses (Portraits) de Serge Boucher