Pierre Meunier : Saisir le monde
Scène

Pierre Meunier : Saisir le monde

Pierre Meunier, dans Au milieu du désordre, joue avec un partenaire singulier: un tas de pierres, pour lequel il retrouve, chaque soir, curiosité, intérêt…

Seul en scène, concentré, un homme dispose avec lenteur un tas de cailloux, puis s’adresse au public, qu’il fait complice de ses réflexions, découvertes. C’est Pierre Meunier, auteur, metteur en scène et interprète d’Au milieu du désordre, spectacle créé en 2005. "Depuis plus de 10 ans, je poursuis une réflexion autour de la relation avec la matière, avec son poids, avec sa pesanteur, avec son mouvement, expose l’artiste. Après des spectacles plutôt visuels, avec des grosses machineries, j’ai eu envie de continuer de parler de cette relation avec le monde dans un dispositif plus simple. C’est un spectacle de mots: on voit un type qui parle pendant 1h20, dans une atmosphère très intime."

Cet intérêt de Pierre Meunier remonte aux débuts de sa carrière. "J’ai fait beaucoup de cirque: j’ai travaillé avec le jonglage, j’ai monté les chapiteaux, conduit les camions, déchargé les remorques. Tout ce travail suppose une entente avec la matière, avec le fait de devoir trouver une fluidité dans les mouvements, même pour décharger un camion, sinon ça devient une corvée insupportable. Ce sont des choses comme ça, ressenties, qui m’ont fait voir qu’il y a quelque chose de profondément réconfortant dans cette relation-là, forcément intime et personnelle, qui est une relation amoureuse avec le monde. Ce qui me réconforte, c’est l’état dans lequel ça me met: cet état de rêverie active et de questionnement. En prenant ce temps d’observer la matière, le caillou, cette rêverie se réveille et se met à traverser toutes sortes de niveaux, habituellement cloisonnés: métaphysique, politique, social, physique, des pensées comme ça, inattendues et incontrôlées. C’est ça que j’aspire à provoquer dans le public. C’est la pensée, c’est l’imaginaire qui se réveille. Et c’est tellement important de faire ça aujourd’hui, parce que notre imaginaire est soumis à des pressions très fortes de modélisation, de standardisation, finalement de réduction. De toute urgence, il est nécessaire de nous réinsuffler cet élan précieux, vital."

Ainsi se crée, "au milieu du désordre – le monde qui nous entoure -, une niche de liberté, de répit: ce tas de pauvres cailloux et la petite assistance qui se met à le regarder. Les gens me disent que, en voyant le spectacle, ils découvrent une soif, qui n’était pas consciente et qui, en même temps, est satisfaite dans le moment du spectacle. Mais elle reste ensuite ouverte, plus présente et, peut-être, contribue à faire bouger un peu, un tout petit peu, le rapport qu’on a avec le monde. Tout ça, c’est très modeste".

Un des défis pour Pierre Meunier: retrouver, chaque soir, l’intérêt pour son "partenaire". "La difficulté n’est pas mince: c’est de me retrouver, à heure fixe, en appétit de cailloux. Parce qu’il n’est pas question que je me mette à jouer le type intéressé par le caillou. Il faut que je le sois moi-même, sinon le public ne marche pas, ne part pas avec moi, et ces cailloux deviennent un pauvre accessoire de théâtre et ça devient lamentable. C’est ça l’enjeu: être à nouveau captivé par ce tas, et me laisser gagner par cette attraction." Un secret: ceux qu’il observe ici, avec lesquels il jouera, sont des cailloux… québécois. De quoi, on l’imagine, stimuler l’"appétit"!

Du 21 au 24 mai
Au Théâtre Périscope
Dans le cadre du Carrefour international de théâtre
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