Toutou rien : Bête de scène
Scène

Toutou rien : Bête de scène

Les trois comparses du Théâtre Qui va là reprennent leur délicieux Toutou rien, un spectacle sans prétention qui vise et touche le coeur et l’esprit.

On dit qu’en 1903, dans le Mississippi, Theodore Roosevelt refusa, outré, jugeant l’acte antisportif, de tuer un vieil ours blessé que les organisateurs de la chasse avaient trouvé et capturé pour que le président, qu’on surnommait Teddy, ne rentre pas bredouille. Vraie ou fausse, cette histoire a frappé l’imaginaire collectif et donné naissance au fameux teddy bear.

C’est de cette lignée, synthétique mais dotée d’émotions, que le héros de Toutou rien se réclame. Au coeur de la "tragédie marionnettique" que le Théâtre Qui va là ne cesse de reprendre depuis 2001, il y a un de ces oursons en peluche qu’on achète, qu’on aime passionnément et qu’on jette un jour aux ordures comme une vieille chaussette. Grâce à Félix Beaulieu-Duchesneau, Justin Laramée et Philippe Racine, la petite bête, dans un sursaut de vie, revoit, pour notre plus grand bonheur, défiler sa tumultueuse existence. On visite d’abord le rayon oursons du magasin War-Marks. La scène, désopilante, n’est pas sans évoquer le film Toy Story. Puis, c’est la chambre d’hôpital d’un enfant mourant. Brillamment évoqué grâce aux objets, l’envol vers un monde meilleur est tout simplement poignant. On passe aussi par le bureau d’un employé surmené. Sur son visage anonyme, on a eu la bonne idée de projeter des souvenirs d’enfance en super 8. Partout où il passe, notre ourson offre son réconfort. En retour, tout ce qu’il demande, c’est un peu de considération, un minimum de compassion. Bien qu’il soit dans un sale état, l’ourson suscite, dès les premières minutes de la représentation, l’empathie des spectateurs. Attachante, attendrissante, la créature est aussi l’outil d’une véritable critique sociale. En réalité, sa présence est un révélateur des comportements humains, les plus nobles comme les plus terrifiants.

Dans cette aventure, la palme revient sans hésitation aux trois créateurs. Le texte est d’une poésie indéniable, l’utilisation et la manipulation des objets (trois fois rien) est d’une grande inventivité, et que dire de la musique et du chant, un savoureux mélange de mélo et de satire servi à la manière de Tom Waits. On ne saurait trop, en somme, vous recommander de communier à ce petit bijou.

Jusqu’au 31 mai
Au Studio-théâtre de L’Illusion
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