Galin Stoev : Bouffée d'air frais
Scène

Galin Stoev : Bouffée d’air frais

Le metteur en scène bulgare Galin Stoev débarque à Montréal avec Oxygène, une parodie féroce des dix commandements, une expérience qui tient à la fois du théâtre et du concert techno.

Originaire de Varna en Bulgarie, le metteur en scène Galin Stoev avoue d’entrée de jeu qu’il n’a, dans un premier temps, rien compris à Oxygène, l’étrange partition du dramaturge russe Ivan Viripaev. "J’ai d’abord pensé que ce n’était pas vraiment du théâtre, mais en même temps, j’étais conscient que le texte devait être écouté et pas seulement lu."

En effet, puisque depuis sa création, en 2004, le spectacle a récolté un peu partout en Europe un succès peu commun. "Après la première répétition, se souvient le créateur, quand les acteurs m’ont dit qu’ils ne comprenaient rien, j’ai pensé que ça allait être un échec. Mais petit à petit, en suivant le processus de décodage et en faisant avancer le sens, on a très vite compris que ça pouvait marcher dans n’importe quelle situation, qu’il y avait dans tout ça quelque chose qui nous réunit tous, peu importe les distances!"

Décrit comme un spectacle "hors normes" et "perturbateur", Oxygène produit, semble-t-il, une onde de choc. Plantée entre le théâtre et le concert techno, l’oeuvre est un pamphlet explosif sur l’état du monde actuel pris dans sa torpeur. Sur scène: deux acteurs-performeurs (Céline Bolomey et Antoine Oppenheim) et un DJ (Gilles Collard) construisent 10 partitions musicales, scandées tels des commandements offensifs dans un flot énergétique et continu de paroles. "J’aime beaucoup l’idée que sur la scène des gens travaillent comme des ouvriers à construire un labyrinthe, pour ensuite le proposer au spectateur. Chacun peut y trouver son propre chemin, sa propre entrée et sa propre sortie."

S’intéressant au théâtre social, Ivan Viripaev aiguise ici sa lame sur les sujets du terrorisme et de l’extrémisme, notamment, tout en évoquant une histoire d’amour-amitié entre Sacha-Alexandre et Sacha-Alexandra. "C’est une sorte de talk-show où le spectateur est confronté à un très fort fleuve de démons, explique Stoev, un recueil musical où, au lieu des notes, on a utilisé des mots. En fait, ce ne sont pas les spectateurs qui regardent le spectacle, mais bien le spectacle qui regarde les spectateurs." Puis le metteur en scène ajoute: "Le texte est tellement hystérique que nous sommes constamment dans une recherche de sens."

Ainsi, nageant parfois dans la confusion, le texte prend des raccourcis dans le temps, trace un pont entre l’hier et le demain, passe sans heurt de la Jérusalem biblique à celle qui croule sous le conflit israélo-palestinien. "Dans Oxygène, explique Stoev, on vit sous une dictature de la relativité, un monde où tous les points de repère sont perdus. On y garde quand même la responsabilité de rester éveillés et de ne pas arrêter de se poser des questions." (M.P.)

Du 27 au 31 mai
À Espace Libre
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EN TANDEM

Galin Stoev est né en 1969, à Varna, en Bulgarie. Le metteur en scène, maintenant installé en Belgique, travaille aussi bien dans ses pays d’origine et d’adoption qu’en Angleterre, en Allemagne, en République tchèque et en Russie. En 2005, il fonde, à Bruxelles, sa propre compagnie, Fingerprint. Au printemps 2007, il met en scène, à la Comédie-Française, la traduction française de La Festa, une pièce de Spiro Scimone, dramaturge italien né en 1964. À ce jour, Stoev a déjà monté trois textes du Russe Ivan Viripaev: Les Rêves, Oxygène et, présenté en ce moment à Ottawa, Genèse N°2.

Rappelons que le metteur en scène est dans la capitale nationale pour diriger la huitième édition du Laboratoire du Théâtre français. Sa prémisse: "Que se passerait-il si l’acteur ne jouait pas le personnage? Que se passerait-il s’il jouait du personnage, tout comme le musicien joue de son instrument? Dans ce cas-là, le plus important ne serait ni le musicien ni l’instrument, mais la musique née de la relation subtile qui se construit entre le musicien et son instrument."

Auteur, comédien et metteur en scène, Ivan Viripaev est né en 1974, à Irkoutsk, en Sibérie. En 2000, au premier Festival du théâtre documentaire de Moscou, il se fait remarquer avec Sny (Les Rêves). Le spectacle est ensuite présenté en France et en Autriche; la pièce est montée en Angleterre et en Bulgarie. En 2001, Viripaev participe à la fondation de Teatr.doc, l’un des lieux les plus dynamiques du milieu théâtral moscovite, un espace où des créateurs se sont donné le mandat de faire découvrir les faces cachées de la société russe. Les traductions françaises des textes d’Ivan Viripaev sont publiées aux Éditions Les Solitaires Intempestifs. (C.S.-P)