Michèle Noiret : Comme au cinéma
Scène

Michèle Noiret : Comme au cinéma

Dans Chambre blanche, la Belge Michèle Noiret revient à la danse pure pour y observer les sédiments d’une décennie de travail avec l’image. Une pièce tout en finesse dans l’intimité de quatre femmes.

La seule fois où l’on a pu voir le travail de Michèle Noiret à Montréal, c’était dans un court-métrage programmé au Festival international du film sur l’art. La chorégraphe-interprète y livrait un portrait sensible de femme à travers une danse aux lignes pures et raffinées, précise, minutieuse et porteuse d’une grande intensité émotionnelle. Elle y dansait sur la musique du compositeur Karlheinz Stockhausen, qui inspira sa vocation de chorégraphe en la faisant oeuvrer à la notation de sa musique à la manière d’une polyphonie gestuelle, chaque partie du corps correspondant à un instrument spécifique. Formée à la célèbre école Mudra de Maurice Béjart, elle s’était d’abord destinée à l’interprétation.

"Le souci du détail est récurrent dans mon travail parce que c’est quelque chose que je vois, qui m’attire et que j’aime écrire et mettre en espace, dit-elle. Alors que les mains sont souvent le simple prolongement des bras en danse, pour moi, elles sont très expressives et je les utilise beaucoup. Ça vient peut-être de mon expérience avec Stockhausen. Les yeux sont une autre partie du corps que je chorégraphie beaucoup car le regard dit tout: selon qu’il est dirigé vers les pieds d’un danseur, vers son visage ou derrière lui, la présence scénique exprime tout autre chose."

Comme elle a appris à fermer les yeux pour pénétrer toutes les couches du son, Noiret sonde toutes les couches du corps pour en révéler la musique intérieure. Également inspirée par son père, le poète Joseph Noiret, elle a placé l’humain au coeur de sa démarche. Le souci du détail, comme l’accent sur certaines parties du corps, répond au désir de poser une loupe sur l’intériorité de ses "personnages chorégraphiques". Dès le milieu des années 90, les technologies de l’image lui ont d’ailleurs permis de multiplier les cadres et les angles de vue sur leur intimité, et celles du son, d’amplifier leurs souffles, voix et déplacements. Comme au cinéma. Pourtant, quand elle crée Chambre blanche en 2006, elle laisse l’image de côté.

"Je me suis demandé si ça allait me satisfaire, si je n’étais pas obligée d’utiliser la technologie pour développer mon travail, déclare-t-elle. Et non: la pièce donne autre chose, mais elle est aussi nourrie par cette idée de danse-cinéma avec, notamment, tout un travail sur le temps qui change, des moments de déplacement dans l’espace et dans le temps qui sont renforcés du fait qu’on a travaillé en même temps la chorégraphie, le son et la lumière."

Avec la complicité de Stevie Wishart, le compositeur Todor Todoroff crée un univers sonore qui abolit le quatrième mur tandis que l’éclairagiste Xavier Lauwers habille l’espace d’une atmosphère surréaliste propre aux créations de Noiret. Sur scène, aux côtés de la belle quadragénaire, trois femmes aux personnalités contrastées explorent le champ de leurs possibles dans cette chambre, espace intime de création, inspirée d’un roman de Virginia Woolf. Çà et là, pointent des notes d’humour discret, autre couleur présente dans l’oeuvre de la Bruxelloise.

Du 27 au 30 mai
À l’Agora de la danse
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