Pauline Kalker : Tranchées dans le vif
Pauline Kalker, de la compagnie néerlandaise Hotel Modern, joue dans La Grande Guerre, une création au carrefour du théâtre, des arts plastiques et du cinéma. Effet direct.
Fruit d’une collaboration entre deux actrices-réalisatrices (Pauline Kalker et Arlène Hoornweg) et un plasticien (Herman Helle), La Grande Guerre marie, d’une part, un théâtre d’objets où les comédiens façonnent sur le vif des scènes à petite échelle ainsi que, d’autre part, le tournage, le montage et la projection de celles-ci. "C’est comme du cinéma d’animation en direct, comme voir en même temps le film et la réalisation du film", résume Pauline Kalker. À partir d’une simple table recouverte de terre, la petite troupe nous ramène ainsi au début du 20e siècle, tantôt dans le nord de la France, tantôt en Belgique. "Durant le spectacle, on construit des paysages de la Première Guerre; on creuse des tranchées et il y a des soldats miniatures, des villages, explique-t-elle. Des caméras captent ces actions, qui sont ensuite projetées sur un écran, tandis qu’un musicien [Arthur Sauer] crée les sons. L’effet s’avère très réaliste. Le spectateur peut voir les attaques à travers les yeux des soldats; il a vraiment l’impression d’y être."
Pour eux, cette proximité s’avérait d’ailleurs essentielle. "Nous voulions faire partager cette expérience, poursuit-elle. Alors, nous avons lu des témoignages et regardé des documentaires." Or, parmi les nombreuses sources consultées, les lettres d’un soldat français, découvertes par un de leurs amis chez un antiquaire, ont plus spécialement retenu leur attention. "La pièce s’appuie aussi sur des journaux de soldats anglais, américains et allemands parce qu’on tenait à présenter tous les points de vue", précise-t-elle. Une recherche qui les a également aidés à peaufiner leur reconstitution, élément pour le moins déterminant de ce "spectacle très visuel", dont elle évoque notamment les origines: "En jouant avec sa caméra et ses maquettes, Herman a réalisé que ça lui permettait de créer des images très fortes. Puis, il a eu l’idée de se pencher sur la Première Guerre parce que le paysage y a joué un rôle important. En fait, dans toutes les guerres, le paysage devient un personnage." De sorte que leur création raconte autant l’histoire du paysage que celle des soldats.
Cela dit, l’inventivité déployée à cette fin confère à l’ensemble une note sympathique. "Le début s’avère plutôt amusant parce que nous nous servons de drôles d’objets, comme du persil pour les arbres, remarque-t-elle. Le public peut voir comment on crée l’illusion; il joue avec nous. Et je crois que cette implication fait qu’il se sent très concerné par le sujet. Il s’agit d’une expérience intense, parfois ludique, mais également, sérieuse et poétique. Aussi, je pense que nous utilisons l’évocation de manière saisissante; il est plus facile de regarder une marionnette représentant un cadavre que la photo d’un cadavre, mais le spectateur sait que ça fait référence à des événements réels." Cette combinaison entre imagination et documentaire lui paraît du reste particulièrement puissante. "Les gens semblent très touchés et enthousiastes. Ils se disent impressionnés par le côté spectaculaire de la pièce et comparent même certaines scènes de bombardement à ce qu’on voit dans Saving Private Ryan. En même temps, l’aspect humain, l’horreur de la guerre, ça les émeut beaucoup", conclut-elle.
Les 27, 29, 30 et 31 mai
À la salle Multi du complexe Méduse
Dans le cadre du Carrefour international de théâtre
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