Tim Crouch : Le pouvoir des mots
Tim Crouch, dans An Oak Tree, réfléchit sur le pouvoir de transformation de l’art, dans un spectacle à la fois ludique et philosophique.
Dans son spectacle précédent, My Arm, Tim Crouch jouait en utilisant, pour incarner les autres personnages, des accessoires fournis par les spectateurs. Avec An Oak Tree, créé en 2005, l’auteur, metteur en scène et acteur britannique va plus loin, invitant chaque soir un partenaire de jeu différent. "Je m’intéresse beaucoup à ce que le public, au cours d’un spectacle, peut projeter sur un objet ou sur un être humain, explique-t-il. Avec un être humain, j’ai bien sûr moins de contrôle, parce que chacun, heureusement!, est bien plus compliqué qu’un paquet de cigarettes ou une pomme…"
Condition de participation: l’acteur invité ne connaît pas un mot du spectacle, ni même son sujet, et le découvre en même temps que le public, lisant ses répliques à mesure, obéissant aux consignes données en direct ou dans des écouteurs par Tim Crouch, alors partenaire et maître de jeu. "Mes invités sont des acteurs, adultes, hommes ou femmes; ils jouent tous un père de 46 ans. Si c’est une comédienne, elle n’incarne pas une mère, mais bien un père. Puisqu’une femme jouant le rôle d’un homme, ce n’est pas plus extraordinaire que moi disant que je suis le Prince du Danemark."
Seule préparation : une rencontre avec Tim Crouch. "On se rencontre une heure avant la représentation, et on parle; cette conversation se poursuit pendant le spectacle, en quelque sorte. On parle de liberté, d’ouverture. Et c’est mon travail, durant cette heure, d’établir une relation de confiance, pour que les acteurs sachent que je vais m’occuper d’eux, et de tous les aspects pratiques du spectacle. Que je serai ouvert à tout ce qu’ils feront, et qu’ils ne peuvent pas se tromper : il n’y a pas de façon parfaite de faire ce spectacle. Puis, je leur raconte l’histoire quand la représentation commence: le public et l’acteur l’entendent en même temps."
Les réactions sur scène, d’un comédien à l’autre, sont évidemment fort différentes. De telle sorte que, paradoxalement, le comédien invité – pourtant placé dans une situation pour le moins déroutante – finit par prendre, d’une certaine façon, le contrôle du spectacle. "Plutôt que d’essayer de contrôler ce qui ne peut que m’échapper, j’ai appris, avec l’expérience, à laisser moi-même aller les choses; et je suis très heureux de le faire."
Sous des dehors de performance amusante et tenant un peu de la gageure, An Oak Tree ratisse large, parlant du pouvoir d’évocation du théâtre, mais aussi de liberté, de démocratie, même. À l’origine du spectacle, l’oeuvre de Michael Craig-Martin, An Oak Tree (1973); on y voit un verre d’eau, près duquel est placé un texte indiquant que cet objet n’est pas un verre d’eau, mais un chêne. "Cette oeuvre a été ma 1ère inspiration; je savais que, d’une certaine façon, elle concernait le théâtre. Ma pièce est une réponse à cette oeuvre. On n’a pas besoin qu’un chêne soit dessiné sur le verre d’eau pour y croire, sur le plan artistique. C’est la même chose au théâtre. Parce qu’au théâtre, on dit "Je ne suis plus moi, je suis quelqu’un d’autre; nous ne sommes plus ici, nous sommes ailleurs." Et on n’a pas besoin d’une transformation physique pour que le public puisse y croire. Dans An Oak Tree, j’explore constamment ce phénomène. L’oeuvre d’art est cette chose qui n’existe pas, et qui est créée par le public et l’artiste ensemble." Et qui, avec An Oak Tree, sera chaque soir différente.
Du 28 au 30 mai
Au Théâtre Périscope
Dans le cadre du Carrefour international de théâtre
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