Aydin Teker : Contraintes de création
Scène

Aydin Teker : Contraintes de création

En visite pour la première fois au Canada, la chorégraphe turque Aydin Teker présente aKabi, un travail étonnant sur l’asymétrie et le déséquilibre.

Aujourd’hui âgée de 56 ans, Aydin Teker a débuté sa carrière en 1973. Après une formation en ballet classique, elle part à Londres et à New York pour découvrir la danse contemporaine qu’elle revient essaimer à Istanbul dès 1982. Dix ans plus tard, elle fonde sa compagnie. "Il y a d’abord eu un temps où je n’avais pas de scène pour présenter mon travail et je suis devenue chorégraphe in situ, déclare-t-elle. Ça m’a tellement fait évoluer! Ensuite, je me suis intéressée au fonctionnement du système nerveux. Ça a beaucoup influencé ma créativité et ça a totalement changé mon style."

Passionnée mais totalement dépourvue d’aides publiques, Teker ponctionne son salaire de professeure au Conservatoire national de l’Université Mimar Sinan pour financer ses oeuvres. Elle profitera d’ailleurs longtemps de ses studios avant d’acquérir son propre lieu de répétition. Aussi passionnés qu’elle, ses danseurs ne sont pas rémunérés pendant la création. Pas d’argent, pas de pression. Les pièces prennent souvent deux ans et plus pour arriver à maturité.

"Je suis plus intéressée par le processus que par le résultat, explique la Stambouliote. Ma manière de travailler est d’explorer en créant un environnement porteur. Pour moi, une création n’est pas le fait d’une seule personne mais un processus de recherche et d’influences. Si vous avez les bonnes personnes pour partager cette expérience excitante, ça devient quelque chose de très spécial."

Ses danseurs, un homme et trois femmes, ont embarqué dans l’aventure particulière que leur a proposée Teker, insatiable observatrice des réactions du corps soumis à la contrainte. "Quand j’ai commencé à essayer de comprendre et de contrôler le système nerveux, l’enchaînement de mouvements inhabituels donnait des choses très belles. Mais dès le lendemain, je voyais qu’il avait travaillé toute la nuit à organiser le mouvement pour le reproduire d’une façon que je ne trouvais plus du tout intéressante, se souvient-elle en riant. Chaque fois que je créais un problème nouveau, il le résolvait. Ça a été un processus très intéressant et un défi pour moi."

Pour aKabi, la chorégraphe a travaillé sur l’asymétrie et le déséquilibre en chaussant ses interprètes de chaussures dépareillées à semelles compensées de différentes hauteurs, pesant au minimum 1,5 kg et pouvant mesurer dans les 30 cm. De quoi changer la conscience de soi, le rapport au sol et à l’autre. Quoique très douloureuse pour les pieds et génératrice de nombreuses chutes, l’expérience ne s’est encore soldée par aucune blessure.

"Nous avons été très patients, et chacun a pris le temps qu’il lui fallait pour s’adapter, affirme Teker. Comme le processus a été long, on a commencé avec des petites semelles et à mesure qu’on devenait plus curieux et plus téméraires, on essayait autre chose. On a toujours été guidés par le plaisir d’être ensemble. On a d’ailleurs testé beaucoup de types de chaussures qu’on n’a pas gardées parce que ce serait devenu comme un exercice de style et qu’on ne voulait pas ça." Un exercice hors du commun qui attise la curiosité.

Les 29 et 30 mai
À la Salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
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