Louise Bombardier : Dans les méandres de l’âme
L’auteure et comédienne Louise Bombardier redonne vie à Petits Fantômes mélancoliques, un spectacle interdisciplinaire sur l’autisme.
Auteure de nombreuses pièces, la plupart destinées aux jeunes publics, mais aussi de deux recueils de nouvelles, Louise Bombardier s’intéresse depuis toujours à l’univers de l’enfance et de la psychanalyse. Avec Petits Fantômes mélancoliques, un spectacle créé en septembre dernier à l’occasion du Festival international de la littérature, d’après un livre publié aux éditions Les 400 coups, elle peaufine son exploration des souffrances de l’être humain en visitant l’univers des enfants autistes.
Les fantômes en question, ce sont les narrateurs des 21 petites histoires qui constituent la trame du spectacle. Ces autistes, plus ou moins jeunes, viennent nous confier les abus, les blessures ou les solitudes qui ont marqué leur enfance. "J’ai écrit ces contes dans une période où je ne travaillais pas et où je me sentais peut-être un peu autiste moi-même, confie l’auteure. Je me suis mise à lire des textes écrits par des autistes. Je ne voulais pas faire une étude sociologique sur l’autisme, il s’agissait plutôt d’une métaphore poétique pour exprimer les souffrances intimes."
Au cours de la représentation, Bombardier prête sa voix à plus de 15 personnages dont Alice, Hans et la dormeuse du Val. "Quand j’écris, j’aime me situer du côté des êtres vulnérables. Ici, mes personnages sont des carencés. En me glissant dans la peau des autistes, j’ai tenté de faire parler leur désarroi." La créatrice affirme qu’elle a également profité de ce projet pour étudier l’écart entre le monde intérieur (ce que l’on vit) et le monde extérieur (ce que l’on présente au monde). "Dans le cas des autistes, affirme-t-elle, on remarque souvent une immobilité ou une agitation, mais personne n’a accès à leur intelligence ou à leur sensibilité."
Durant ses recherches, la créatrice est tombée sur un tableau de Balthus, un artiste qu’elle affectionne depuis plusieurs années. "Il y a une théâtralité et une immobilité dans la peinture de Balthus. Il met en scène des gens qui sont comme pétrifiés dans l’effroi. Lorsque j’ai juxtaposé mes textes et les images du peintre, quelque chose de formel a surgi, une sorte de forme plastique. Et j’ai eu envie de prendre la parole avec des spécialistes du corps."
En effet, Bombardier a fait appel aux danseurs Paul-Antoine Taillefer et Louise Bédard. "Louise et Paul-Antoine, qui effectuent des micro-mouvements, réagissent à ma voix et moi à leurs corps, soutient Bombardier. Je dirais que le spectacle est teinté d’une érotique du corps et du langage. Pour moi, l’éros et la blessure ont toujours été entremêlés." Pour la mise en scène, Claude Poissant, un proche de la créatrice, a servi d’oeil extérieur. "Plus Claude vieillit, affirme Bombardier, plus il crée des choses dépouillées. En ce sens, ce projet le rejoignait. Nous avons voulu être le plus suggestifs possible."