Paul-André Fortier : Le monde est une scène
Scène

Paul-André Fortier : Le monde est une scène

Paul-André Fortier poursuit la folle itinérance amorcée avec Solo 30X30 en transportant sa Cabane dans divers lieux de Montréal. Un périple effectué en tandem avec l’artiste multidisciplinaire Rober Racine.

Rappelons pour commencer l’équipée fantastique à laquelle s’est livré le chorégraphe Paul-André Fortier ces deux dernières années avec ce solo de 30 minutes qu’il danse en extérieur 30 jours de suite, au même endroit, à la même heure. Déjà présentée dans huit villes canadiennes et européennes, Solo 30X30 ne cesse de susciter l’engouement des diffuseurs et d’inspirer son créateur. De fait, ce sont les cabanes croisées au fil de ces pérégrinations qui ont fait germer l’idée du nouveau spectacle, Cabane.

"La cabane est au coeur de toutes les civilisations et au coeur de chacun d’entre nous, commente Fortier. Elle est un élément mythique et emblématique de l’humain. À la fois lieu de protection et de liberté, elle est une extension de soi et une façon de marquer sa place dans le monde. Les cabanes sont chargées d’histoires, investies de quelque chose qui nous dépasse, et nous pouvons y investir nos propres histoires."

Dans cette nouvelle création, deux étranges personnages habitent une cabane amovible et modulable qui se transforme au fil de la performance et change de lieu d’une représentation à l’autre. Ainsi, les artistes se rendront de l’Espace Go à l’Édifice Jean-Pierre-Perreault en passant par le hangar 16 du Vieux-Port et une salle de bal de l’Hôtel Windsor. "Les deux personnages que nous incarnons, Rober Racine et moi, sont plus proches de Beckett et d’Ubu que de personnages abstraits bien propres, avertit le chorégraphe. Nous sommes chargés d’histoires qui ne sont pas juste les nôtres, un peu à la manière de certains itinérants. Alors le fait de nous poser dans différents lieux, sous un lustre de cristal, dans un hangar, ne peut qu’altérer la perception et la lecture de la pièce. L’opposition entre l’oeuvre et le lieu produit forcément un choc générateur dans l’imaginaire du spectateur."

De la même façon qu’il se détournait des conventions de la salle de spectacle en nous invitant à redécouvrir l’espace urbain avec Solo 30X30, Fortier joue sur le rapport du public à l’oeuvre en sortant Cabane des théâtres et en optant pour une simplicité technologique. "La cabane est articulée et contient tout un univers qui se déploie, mais le défi était de retrouver l’émerveillement avec un minimum de moyens, commente-t-il. Le concept d’éclairages de John Munro ne fait appel à aucun projecteur; on est donc totalement indépendant de la machine théâtrale, et les techniciens sont à vue pour tous les changements. La volonté est de ne rien cacher." Ajoutons que les matériaux de la cahute sont recyclés, tout comme les projecteurs vidéo qui transmettent des images concoctées par le cinéaste Robert Morin.

À l’heure où il vient de fêter ses 60 ans, le chorégraphe invite un quinquagénaire non-danseur à partager l’expérience de la scène avec lui. Artiste visuel, écrivain et musicien, Rober Racine est surtout connu pour la démesure de ses oeuvres conceptuelles et de ses performances musicales et muséales. Ici, il assume un mouvement de type plus quotidien que dansé et, lui qui avait accompagné le tout premier solo de Marie Chouinard avec une grille de four, il crée la musique de Cabane en direct, en chantant et en utilisant toutes sortes d’objets dont un sommier métallique préparé par un luthier urbain.

"Rober a une présence absolument incandescente, s’exclame Fortier. Il est venu voir presque toutes les représentations de Solo 30X30 à Montréal, et quand je le voyais marcher le long du périmètre du terrain, il faisait pour moi partie intégrante du spectacle. Je savais déjà qu’il ferait partie de ma prochaine création. Là, il y a quelque chose de profondément ludique et de très masculin dans nos rapports." Intrigant, à mi-chemin entre l’installation et l’oeuvre in situ, Cabane fait sortir le FTA du circuit traditionnel de la diffusion, à l’instar des performances proposées en danse par Noémie Lafrance et en théâtre par Mariano Pensotti.