Nous étions une fois… : Raconte-moi une histoire
Douze à table, une compagnie formée par la cuvée 2006 des finissants en interprétation de l’École nationale de théâtre, propose Nous étions une fois…, un éclectique déambulatoire théâtral.
Spectacle volontairement fragmentaire et désuni, Nous étions une fois… met en scène 12 jeunes acteurs dans des performances solo, dirigées de main ferme par Gervais Gaudreault. S’appropriant autant les vers passionnés de Shakespeare que la prose contemporaine de Dominick Parenteau-Lebeuf ou des textes de son cru, la troupe s’amuse à explorer différentes dramaturgies.
Par choix esthétique ou parce que le principe du solo l’oblige, la plupart des textes sont très narratifs et permettent aux acteurs de déployer leurs talents de conteurs. Marie-Eve Huot excelle dans une version un peu déjantée du Petit Chaperon rouge où Grand-Mère et le Grand Méchant Loup sont des figures modernes. L’enfance est aussi au coeur de l’univers défendu par Estelle Richard, celui d’une jeune fille étouffée par son environnement familial. Isabelle Grégoire raconte l’angoisse de la petite Martine qui fait pipi dans sa culotte en modulant pointilleusement chacune de ses paroles.
De l’enfance, on passe aux douleurs de l’adolescence. Dans Bowling for Trois-Rivières, écrit et interprété par Sébastien David, la tuerie de Columbine est transposée de manière ludique et lucide dans un contexte québécois. En Rosaline abandonnée par son Roméo, Sébastien René marche fort adroitement sur la mince ligne entre tragédie shakespearienne et conte urbain. Fanny Rainville, dans un sensuel et savoureux texte signé Yves Thériault (Le Coq en pâte de la nonne Jeanne), offre l’interprétation la plus captivante du spectacle. Le récit initiatique d’une nonne découvrant les plaisirs de la chair prend magistralement vie dans le corps éloquent de la jeune comédienne, frétillante de plaisir et d’érotisme.
Si quelques-unes des histoires laissent plus froid, notamment Soigne ta chute de Flora Balzano, interprétée sans grand éclat par Laura Barbeau, l’originalité du spectacle réside dans l’utilisation maximale et inventive de l’espace. Les spectateurs sont invités à se déplacer entre chaque numéro, découvrant chaque fois une nouvelle partie de l’immense café-boutique Eva B., avec ses escaliers, ses prosceniums, ses magnifiques murs de briques et ses planchers de bois craquants.
Dans le mouvement, la succession de fragments se digère beaucoup mieux et le parcours, en plus de créer un chaleureux sentiment de proximité avec les acteurs, revêt des airs de procession sacrée. Un spectacle sympathique et sincère.
Jusqu’au 11 juin
Au café-boutique Eva B.
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