Seagull-Play : Un oiseau rare
Scène

Seagull-Play : Un oiseau rare

Avec Seagull-Play, le Brésilien Enrique Diaz offre une poétique et jouissive mise en abyme de la pièce canonique de Tchekhov.

Le plateau est baigné d’une lumière chaude et bienfaitrice. Il y a quelques chaises et des acteurs qui déambulent, frôlant de près une partie du public qui siège de chaque côté. Ils sont là, réceptifs, dans cet espace de jeu où la parole tchekhovienne va et vient, happe les corps, passe d’un personnage à l’autre, se dédouble et se chevauche. Devenue matériau textuel sans toutefois perdre ses qualités narratives, cette Mouette réduite à l’essentiel est une fabuleuse ode à l’acte théâtral.

L’adaptation proposée par la troupe de Rio de Janeiro demeure fidèle au récit et aux thèmes de la pièce de Tchekhov tout en les travestissant et en les soumettant à de vifs questionnements. Avec doigté, le metteur en scène et comédien Enrique Diaz transforme l’anecdote en réflexion esthétique. Le rêve d’être actrice de la jeune Nina provoque une réflexion sur le statut de l’acteur. Le conflit littéraire entre Treplev et Trigorine est brillamment propulsé vers ce qui semble être une lutte personnelle du metteur en scène: le renouveau du théâtre contre les vieilles formes dramatiques. Tout cela est par moments joué en simultané ou en dédoublement, procédés judicieux qui sollicitent l’imaginaire et accordent au spectateur la joie de se livrer au jeu des correspondances.

Avec une étonnante fluidité, les interprètes nous font voyager dans les différents niveaux de réalité tout en restant constamment ancrés dans leur rôle principal: celui de comédiens jouant La Mouette et se questionnant sur le sens de leur démarche. La mise en abyme s’articule de manière très nette et naturelle. C’est tout simplement prodigieux.

Passant d’un personnage à l’autre par de furtifs chassés-croisés ou par l’échange cérémonial de vêtements, les acteurs mettent en marche une savante mécanique qui inclut aussi les objets. Si le tout a parfois des airs de joyeux bordel, il n’en est rien. Les métamorphoses, toujours rapides et énergiques, sont d’une incroyable précision et d’une grande poésie. Il faut courir voir cette inspirante relecture de Tchekhov. Sans hésitation.

Jusqu’au 31 mai
À l’Usine C
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