Dieudonné : Pour un monde meilleur
Scène

Dieudonné : Pour un monde meilleur

Si l’humoriste Dieudonné rapplique chez nous avec J’ai fait l’con, un 9e spectacle au titre provocateur, ce n’est pas pour s’excuser, mais bien pour pointer du doigt ce qui le dérange.

C’est la première fois que Dieudonné vient roder du nouveau matériel en terre québécoise: "Ce n’est pas une décision que j’ai prise, les choses se sont simplement présentées comme ça. Je viens de plus en plus souvent au Québec et en écrivant le spectacle, je suis tombé sur des thèmes qui existent ici, notamment les accommodements raisonnables, qui me semblaient intéressants pour un humoriste", souligne celui qui aime provoquer la controverse en secouant les idées reçues.

Dieudonné estimait donc que ce serait une bonne idée de tester son nouveau matériel ici. "Mes premières représentations, en règle générale, sont encore des représentations de travail, qui me permettent de fixer les choses. Comme je parle de sujets qui existent aussi ici – les États-Unis, Colin Powell et les peuples autochtones, entre autres -, je crois que J’ai fait l’con va aussi toucher les gens du Québec."

Alors que d’autres humoristes profiteraient de l’exercice pour adapter leurs numéros à nos particularités québécoises (style, expressions), Dieudonné estime que ce n’est pas nécessaire. "Il m’arrive d’utiliser des expressions qui ne sont pas connues ici, mais je crois qu’elles font partie de l’exotisme de celui qui vient d’ailleurs. Sans parler du fait qu’à Montréal en particulier, les gens sont habitués d’entendre des accents différents. Mon style d’humour et ma perspective sont relativement universels. Les petites aspérités de type linguistique font partie de l’exercice. En tout cas, moi, j’aime bien entendre parler un Québécois avec les expressions québécoises", affirme Dieudonné.

Au-delà des différences de langage, on retrouve également dans J’ai fait l’con des sujets ou des personnages qui risquent de ne pas être connus de tous les spectateurs, par exemple l’hommage au chanteur et poète français Claude Nougaro que Dieudonné a bien connu vers la fin de sa vie. "C’est Claude qui m’a donné envie de faire ce métier", dit-il en installant son portable sur la table. En quelques clics, il fait entendre l’hommage à Claude Nougaro (à écouter sur dieudodirect.com) qui constitue, dans J’ai fait l’con, une virgule poético-musicale sur fond de tragédie gréco-palestinienne. Ça commence par "Amid a 22 ans, et il décide d’aller se faire sauter au milieu de ce qu’il considère comme l’envahisseur…" et ça se termine sur une explosion de jazz manouche.

Pour Dieudonné, l’humour est une manière comme une autre d’aborder des sujets qui lui tiennent à coeur. "Non loin de l’endroit où mon père et mon frère habitent en Afrique Centrale se trouve un peuple de pygmées. La vision d’une femme en train d’allaiter son enfant mort et la misère de ce peuple m’ont marqué à jamais. Comme j’ai décidé d’échanger mes impressions sur le monde par le rire, j’ai écrit un sketch qui raconte mon arrivée chez les pygmées", dit-il.

Dieudonné dit qu’il ne veut pas donner de leçons de morale à quiconque, mais il souhaite quand même toucher les gens à travers son humour. "Mon but est de suggérer des prises de conscience. J’ai eu la chance de voyager et de rencontrer d’autres points de vue, que j’expose en toute humilité. Je ne prétends pas incarner la raison, car je n’ai aucune objectivité, contrairement aux journalistes", s’exclame-t-il avec un regard entendu. "Durant le spectacle, on rit, et après, c’est à chacun d’interpréter ce que je dis. J’ai choisi l’humour plutôt que de prendre les armes. C’est ma façon à moi de transcender des injustices tragiques et très dures."

L’ancien candidat aux présidentielles françaises précise toutefois: "Tant qu’à voter pour un humoriste, autant voter pour un professionnel même si en réalité, votre premier ministre Harper et notre président Sarkozy, en tant qu’employés du système néolibéral international, sont les pires représentants que nous ayons eus depuis toujours. Mais bon, je n’ai pas d’autres solutions que celle du rire; alors, je préfère imaginer un monde où tout le monde rit ensemble", conclut-il.