Portalaphrapon : Mise en abyme
Scène

Portalaphrapon : Mise en abyme

À l’affiche du Festival Fringe, la pièce Portalaphrapon, de Michel Gatignol, aborde la tyrannie artistique en usant gaiement des codes et des clichés du milieu théâtral.

Comme le dit le communiqué du Fringe, Portalaphrapon est "une pièce de théâtre sur le théâtre". Certes. C’est même une très cinglante caricature du théâtre, avec tout ce que cela comporte de clichés et de stéréotypes. Avec une prémisse qui sonne plutôt familier, l’histoire d’un metteur en scène tyrannique (Nicolas Duxin) et de ses acteurs dociles (Brigitte Hébert-Carle, Dave Jennis, Jonathan Pronovost, Mickson Dubuisson et Michael Richard), on pouvait envisager le pire. Mais ce serait sous-estimer la plume agile de Michel Gatignol, gagnant du prix du meilleur texte francophone avec la première mouture de ce spectacle au Fringe 2006.

Il y a bien d’abord quelques scènes typiques de répétitions, où éclatent les égocentriques colères du tyran, où se jouent également les plus insidieuses manipulations psychologiques. Moments prévisibles, mais jouées sur un ton légèrement moqueur.

Fort heureusement, plutôt que de s’embourber dans les méandres de la relation acteur/metteur en scène, la pièce nous entraîne dans l’imaginaire torturé du personnage principal. Si la situation initiale était déjà méta-théâtrale, les passages fantasmatiques qui suivent ajoutent une autre couche de théâtre dans le théâtre. La scène est soudainement remuée par les questionnements esthétiques de l’artiste et sa théorie prétendument ingénieuse sur la porte de théâtre. On ne quitte jamais, bien sûr, la caricature. Mais toujours avec finesse et élégance.

On a droit à des scènes délirantes, où les quatre acteurs dévoués s’évertuent à donner vie à la porte de théâtre en autant de variations que possible. Les comédiens sont précis et explosifs. En tragédien tourmenté, Jennis est magistral. Le rôle du tyran était tout désigné pour Duxin, dont la voix vibrante et la présence inondent le plateau.

Et le mieux dans tout ça, c’est qu’en voulant gentiment se moquer du théâtre, Gatignol fait du théâtre dans sa forme la plus pure. Scène dépouillée, jeu physique, envolées lyriques et personnages de composition sont de la partie, de quoi faire passer à tous un bon moment de vrai théâtre. Et de rire franchement.