Festival Fringe 2008 : Première vie
Scène

Festival Fringe 2008 : Première vie

Dix jours à errer de salle en salle et à visiter des univers contrastés au rythme aliénant de trois spectacles par soir, une expérience délirante. Impossible de tout voir, mais voici un bref retour critique sur ce qu’on a pu attraper du Festival Fringe 2008.

Fruit du hasard ou caractéristique d’une nouvelle génération de créateurs, le Fringe 2008 aura fait découvrir, en français du moins, des démarches artistiques plutôt sérieuses. Sa réputation d’être le festival de tout et n’importe quoi en prend pour son rhume: on a vu des pièces qui risquent fort bien de connaître une belle et longue seconde vie.

C’est très certainement le cas de Shavirez, le tsigane des mers, probablement le plus grand succès du festival, l’une des rares pièces à avoir fait salle comble et reçu un accueil triomphal. Il faut dire qu’en plus d’être un spectacle inventif et interactif qui mélange habilement les marionnettes et les acteurs, la production de la compagnie Belzébrute, ponctuée par des airs d’accordéon, est une véritable fête tsigane. Dans Toundra Colada du Théâtre du Ventricule Gauche, les masques et les marionnettes, mais surtout le théâtre d’ombres, recréent devant nous des contes inuits à la poésie singulière. Le spectacle n’est pas à point, mais les trois jeunes créateurs, s’ils n’inventent rien, portent le théâtre d’ombres à un paroxysme. Une jeune compagnie à surveiller.

Les Arbres, de Krystel Descary et Édith Patenaude, propose une mélancolique histoire de deuil et d’abandons. Leur texte aborde un peu trop timidement les questions de la mémoire et de l’héritage, mais elles ont imaginé une inspirante scénographie de panneaux transparents, marques spatiotemporelles sur lesquelles elles dessinent des arbres et des racines. La pièce sera reprise à Québec, en résidence de création à Premier Acte, l’occasion pour les jeunes actrices de peaufiner leur langage. Dans un autre esprit, on aura été stupéfait par Charlotte du Mexique, impératrice du Néant, un spectacle qui tourne depuis deux ans dans les circuits indépendants mais auquel on souhaite d’être accueilli en bonne et due forme dans un théâtre institutionnel. Dans un monologue vibrant, Lori Hazine Poisson fait coexister en elle des états contradictoires: elle est à la fois jeune et vieille, autoritaire et tremblante, extatique et sèche, hilare et sanglotante.

Autre spectacle marquant, le Portalaphrapon de Michel Gatignol, une caricature dans laquelle un metteur en scène tyrannique et ses acteurs dociles étudient la question de la porte de théâtre. Une mise en abyme qui nous fait voyager du plateau de répétition jusqu’à l’imaginaire torturé du metteur en scène, avec humour fin et dépouillement scénique. On rit plus qu’on ne réfléchit dans Le Musée des vieux animaux québécois, une installation-spectacle de la compagnie Toxique Trottoir qui promettait de revisiter l’identité québécoise. Pari à moitié gagné, mais c’est tout de même un charmant bric-à-brac dans lequel l’anatomie du Québécois moyen est dévoilée avec humour et fantaisie.

Mentionnons aussi Les Dames, de Sarianne Cormier et Amélie Dallaire, courte pièce aux personnages inquiétants, joués avec passion, et Scènes de lit de Stefan Perreault, dont l’ambiance joyeusement décontractée aura permis de pardonner les quelques facilités du texte.