Caïus : Pignon sur rue
Avec Caïus, un Shakespeare joué au coeur du tissu urbain, Frédéric Teyssier a délibérément créé un événement spectaculaire, baroque et tapageur. Ça a du bon et du moins bon.
Il y a vraiment beaucoup à dire sur ce Caïus, tant la mise en scène convoque de nombreux éléments scéniques et rassemble une panoplie d’idées. Le périple du guerrier romain Caïus incarné par Didier Lucien se joue sur une immense scène de forme éclatée, complétée par un canon et un échafaudage en arrière-plan, ainsi que des voitures cabossées qui servent de champ de bataille. Une manière originale d’éviter le rapport frontal, en plus d’évoquer Rome et Antium sans les reconstituer, dans un esprit urbain et contemporain.
Frédéric Teyssier a beaucoup misé sur cet espace multiplié, ainsi que sur un système de caméras qui retransmettent en direct l’action aux spectateurs dont la position ne permet pas de tout voir. La vidéo n’a que trop souvent cette unique fonction technique, heureusement graduellement abandonnée pour oser le gros plan et la multiplicité des points de vue, dans un dialogue bienfaisant avec la scène qui aurait mérité d’être approfondi.
Mentionnons en vrac tous les bons coups de cette production: l’adaptation du texte de Coriolan par Teyssier (qui s’en est tenu à l’essentiel), la trame sonore très narrative d’Éric Forget, les costumes déjantés de Linda Brunelle, la transposition des combats dans de violents coups sur la carcasse des voitures et l’annonce des scènes, façon brechtienne, qui facilite les enchaînements. Teyssier voulait favoriser l’interaction avec le public, mais le personnage de Citoyen qu’il a créé pour inciter la foule à s’exposer, pourtant défendu avec vigueur, ne parvient pas à sortir les spectateurs de leur léthargie habituelle. Peut-être aurait-il fallu que les autres acteurs s’y mettent aussi pour que le public consente à s’exprimer. Or, le texte ne prévoit pas ce genre de décrochage.
Malgré l’abondance d’effets spectaculaires, c’est le jeu d’acteur qui a le plus d’impact. Les comédiens sont physiques et démonstratifs, même intenses et démesurés (quoique parfois trop gueulards). Didier Lucien a la puissance vocale et l’énergie combative qui sied à son rôle, toutefois, il ne maîtrise pas toujours la musicalité du texte et semble ne pas vraiment se prendre au sérieux dans un rôle tragique. Dans cet univers, Guillermina Kerwin s’impose en livrant une interprétation galvanisante à souhait.
Jusqu’au 20 juillet
Au stationnement Ontario Est
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