Frédéric Dubois : La cerise sur le sundae
Frédéric Dubois boucle son incursion tchekhovienne des trois dernières années en signant avec Véronique Côté la mise en scène de La Cerisaie [visite libre]. Portes ouvertes.
Après Vie et mort du roi boiteux, le Théâtre des Fonds de Tiroirs nous revient avec une nouvelle production en plein air, cette fois au parc Notre-Dame-de-Grâce dans le quartier Saint-Sauveur. "Je passais par là depuis des années et je me disais: "Il faut faire quelque chose dans ce lieu superbe et méconnu"", relate Frédéric Dubois. Finalement, il y a vu le décor idéal pour la dernière pièce de Tchekhov. "Les personnages décrivent la cerisaie comme un domaine magnifique et, là, on a l’impression d’être sous un dôme avec ces arbres immenses qui se touchent au sommet; c’est de toute beauté, s’exclame-t-il. Aussi, j’aime les accidents de l’extérieur, le fait que certains vont regarder autour, les bruits, une petite pluie qui se met à tomber ou la lumière qui, soudain, éclaire un élément. À l’acte IV, les personnages s’assoient sur un banc et disent: "Ah! le soleil se couche" et, à ce moment, le soleil va se coucher. Ça crée une communion qui donne un autre sens au théâtre."
En plus, les comédiens joueront derrière une église condamnée à la démolition, rappelant ainsi le caractère toujours actuel du sujet de l’oeuvre, où tout tourne autour de la vente et du devenir d’une cerisaie. Autant dire que cette production tombe à point. "C’est tout simple et, en même temps, ça soulève une série d’interrogations sur la mémoire, la préservation du patrimoine. Qu’est-ce qu’on fait avec ça? Où est-ce qu’on s’en va? Je trouvais qu’avec le 400e, il était intéressant de soulever ces questions qui sont très peu posées", commente Frédéric Dubois. Pas étonnant, alors, que ce thème ait orienté leur mise en scène. "En fait, on appelle la pièce La Cerisaie [visite libre] car on a un peu déconstruit sa structure narrative, explique-t-il. Tout l’acte III se déroule la journée où la cerisaie est vendue. Pour faire passer le temps, les personnages organisent une grosse fête. Donc, on part de là et on introduit des retours dans le temps. Des fois, on reprend des bouts de scène, mais sous un angle différent. On joue avec ça parce qu’on voulait accentuer la réflexion sur le souvenir."
Si bien que l’esprit de l’acte III contamine l’ensemble de la représentation. "Quand on est dans un party de famille, les émotions sont exacerbées, c’est-à-dire que tout à coup, quelqu’un dit quelque chose et que ça fait pleurer quelqu’un d’autre parce que tout le monde est à fleur de peau, illustre-t-il. Comme tout est articulé autour de l’axe de la fête, il en ressort un ton très dégagé, débridé. Ce qui fait que le tragique, la tristesse, mais aussi la joie deviennent autre chose. C’est super intéressant; ça amène une grande légèreté, sans enlever à l’importance du propos." Parions qu’une telle approche saura également servir la "choralité" de cette oeuvre, la plus aboutie de Tchekhov, selon lui. Une caractéristique particulièrement attrayante à ses yeux, tandis que "c’est comme si tout le monde chantait la même chanson, mais que personne ne s’écoutait", remarque-t-il. Bref, de quoi clore en beauté son incursion dans l’univers du dramaturge russe.
Du 22 juillet au 16 août à 18h30
Au parc Notre-Dame-de-Grâce
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