La Cerisaie [visite libre] : Le temps des cerises
Scène

La Cerisaie [visite libre] : Le temps des cerises

La première de La Cerisaie [visite libre] a bien failli être annulée en raison de la pluie, mais le public a décidé de faire fi du mauvais temps et ne l’a pas regretté. Bal champêtre.

Lioubov Andreevna (Véronique Aubut), une noble russe du début du XXe siècle, revient à la cerisaie, ce domaine où elle a grandi avec son frère Gaev (Réjean Vallée) et qu’elle a quitté après la mort de son fils. Elle y revient pour lui dire adieu, car ils n’ont plus les moyens de la garder. Évidemment, ils pourraient raser les arbres afin de construire des datchas pour les estivants, comme le leur suggère Lopakhine (Serge Bonin), un fils de moujik devenu riche, mais ce serait vulgaire. Ainsi la retrouve-t-on, le jour de la vente aux enchères, alors qu’en attendant le verdict, elle fait la fête avec ses deux filles, Ania (Marie-Hélène Gendreau) et Varia (Véronika Makdissi-Warren), un vieux serviteur qui a connu l’esclavage (Jean Guy), une jeune servante à l’avenir prometteur (Maryse Lapierre), un comptable gaffeur (Kevin McCoy) et un instituteur aux idées révolutionnaires (Sylvio-Manuel Arriola).

De prime abord, c’est bien sûr parce qu’il est joué au grand air dans un cadre enchanteur – même sous la pluie, alors imaginez par une belle soirée – que ce spectacle mis en scène par Frédéric Dubois et Véronique Côté sort de l’ordinaire. Dans ce parc conférant une présence concrète à la mythique cerisaie, nous vivons une expérience vivifiante, les sens aux aguets.

Quant à l’autre particularité de la production, la déconstruction de la trame narrative, elle met bien en relief ce requiem sur la fin d’une époque, qui fut également la dernière pièce de Tchekhov, tandis qu’allers et retours, répétitions et déplacements de point de vue évoquent éloquemment les mécanismes de la mémoire. De même, la présence d’accessoires actuels suggère que le propos s’applique également à notre réalité, jetant ainsi un pont à travers le temps. Sans compter que ce parti pris, qui rend la fête omniprésente (avec la musique de Pascal Robitaille et Andrée Bilodeau), accentue par contraste le sentiment de nostalgie généralisé, un peu comme on sourit pour ne pas pleurer. Un choix opportun compte tenu que ce dramaturge avait le don d’aborder des sujets profonds par le biais de personnages humains dans leurs travers, leurs futilités, bref, de dire la vie par le vide. Ce que les comédiens rendent de belle façon, entre émotion et comique, de manière à ce qu’on ne les prenne jamais trop au sérieux, sans pour autant pouvoir les prendre à la légère.

Jusqu’au 16 août à 18h30
Au parc Notre-Dame-de-Grâce
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La Mouette, mise en scène par Frédéric Dubois