Le Malade imaginaire : L’ombre et la lumière
L’une des plus belles initiatives du Festival Juste pour rire, cette année, est d’avoir convaincu la Comédie-Française de nous rendre visite avec un mémorable Malade imaginaire.
Depuis sa création en 2001, Le Malade imaginaire mis en scène par le regretté Claude Stratz n’a cessé d’être repris par la prestigieuse Comédie-Française. Et pour cause! Des plus vives aux plus sombres, les diverses tonalités de l’ultime pièce de Molière y sont magnifiquement révélées. Sur cette scène, la vie et la mort marchent main dans la main, le carnaval prend souvent une tournure bien macabre.
Dès la scène d’ouverture, où Argan calcule ce qu’il doit à ses médecins et à ses apothicaires, on comprend qu’on s’engage dans une lecture nuancée de l’oeuvre. Jusqu’à la toute fin, où l’homme est fait médecin dans une cérémonie troublante et jubilatoire, le spectacle naviguera entre le rire franc et l’angoisse sourde, le ridicule et la peur viscérale de la mort. Au fil des scènes et des intermèdes (six chanteurs et musiciens défendent les compositions de Marc-Olivier Dupin et les chorégraphies de Sophie Mayer), les âmes vont révéler leur noirceur aussi bien que leur grandeur.
S’il laisse entrevoir la richesse d’Argan, par son ampleur et ses peintures, le décor dépouillé d’Ezio Toffolutti (collaborateur de Benno Besson pendant plus de 30 ans) évoque surtout un lieu de repos, un sanatorium, un asile. Le fauteuil du malade est par conséquent plus près de l’instrument de torture que du trône. Et que dire des éclairages de Jean-Philippe Roy? Somptueux. Crépusculaires. C’est beaucoup grâce à ses superbes clairs-obscurs que la comédie et le drame peuvent se partager tout naturellement le plateau.
Il est vrai que l’espace est très réussi, mais l’aventure doit aussi beaucoup au talent de 10 comédiens hors pair. Alain Pralon est un Argan irréprochable. L’acteur, membre de la prestigieuse compagnie parisienne depuis 1965, arbore un parfait équilibre de poigne et de naïveté, en évitant toujours la caricature. Dans la robe de Toinette, Catherine Hiegel est irrésistible. Plus terrienne, pour ne pas dire plus grave que la majorité des Toinette, elle n’en est pas moins retorse, pas moins déterminée, et surtout pas moins drôle.
Dans la peau rougeoyante d’un Monsieur Purgon déjà bien engagé dans la folie, Gérard Giroudon est absolument désopilant. Tout droit sorti d’un film de Tim Burton, Alexandre Pavloff est un Thomas Diafoirus délicieusement inquiétant. Dans les rôles des amoureux, Laurent Stocker et Julie Sicard sont aussi très bien. Leur scène de l’"opéra impromptu" est hilarante. En somme, il y a en ce moment sur la scène du TNM un vrai bonheur dont vous auriez bien tort de vous priver.
Jusqu’au 26 juillet
Au Théâtre du Nouveau Monde
Voir calendrier Théâtre