Le paradis à la fin de vos jours : Rendre l'âme
Scène

Le paradis à la fin de vos jours : Rendre l’âme

Avec Le paradis à la fin de vos jours, un monologue où Michel Tremblay redonne la parole à cette chère Nana, le Théâtre du Rideau Vert célèbre de manière un peu maladroite le 40e anniversaire de la création des Belles-soeurs.

Entre les murs du Théâtre du Rideau Vert, le 28 août 1968, on créait la pièce d’un jeune auteur, un texte qui allait devenir l’une des oeuvres phare de la dramaturgie québécoise, Les Belles-soeurs. D’un point de vue théâtral aussi bien que social, il s’agissait d’une révolution, d’une libération.

Pour souligner les 40 ans de cette création déterminante, Denise Filiatrault n’a pas reprogrammé la pièce mythique, pas plus qu’elle n’a demandé à Michel Tremblay de renouer de quelque manière que ce soit avec sa fabuleuse galerie de femmes tragicomiques. Pour marquer le coup, la directrice artistique du Rideau Vert n’a pas non plus jugé bon d’offrir sa scène à de jeunes auteurs aussi prometteurs que l’était Tremblay il y a 40 ans. Non, rien de tout cela. Pour rendre hommage aux Belles-soeurs, Filiatrault a plutôt choisi de programmer Le paradis à la fin de vos jours, un solo qui, il faut bien l’avouer, sent le réchauffé.

Soyons clair, le spectacle mis en scène par Frédéric Blanchette n’est pas sans qualités. D’abord parce qu’il redonne la parole à cette chère Nana, une femme qu’on a, après toutes ces années à la côtoyer dans les romans et les pièces de Tremblay, l’impression de connaître. L’alter ego de la mère de l’écrivain a toujours son humour corrosif, sa répartie, son sens inné du récit. Cela fait chaud au coeur de retrouver ce personnage et celle dont il est indissociable, Rita Lafontaine. D’ailleurs, le soir de la première, la comédienne a, dès son entrée en scène, reçu les applaudissements spontanés de la foule.

Malheureusement, une fois passée le bonheur des retrouvailles, on constate peu à peu qu’il n’y a pas ici le quart de ce qui faisait la richesse du fabuleux Encore une fois, si vous permettez. Nana, au paradis depuis plus de 40 ans, déverse sa déception: l’endroit, qu’elle a passé une bonne partie de sa vie à fantasmer, n’est pas du tout, mais alors là pas du tout à la hauteur de ses attentes. Le plus souvent assise sur la chaise qu’on lui a assignée, elle regrette la disparition prématurée de ses deux premiers enfants, évoque avec émotion le succès de Michel, déboulonne les petits et grands mythes de la religion catholique…

On rit de temps à autre, on s’émeut encore plus rarement, mais, le plus souvent, on réécoute de vieilles histoires, des anecdotes tirées des pièces précédentes. On n’en croit pas nos oreilles, mais il faut bien se rendre à l’évidence: Nana se répète.