Daniel Meilleur et Jean-François Casabonne : Sur la route
Scène

Daniel Meilleur et Jean-François Casabonne : Sur la route

Carnets de voyages, la nouvelle création interdisciplinaire des Deux Mondes, invite au voyage et à la connaissance de l’autre. Rencontre avec le metteur en scène Daniel Meilleur et le comédien Jean-François Casabonne.

Au moment où elle s’apprête à ouvrir ses portes à la relève (en accueillant chez elle la Centrale, nouveau lieu de production et diffusion théâtrale pour jeunes compagnies), l’équipe des Deux Mondes lance, en coproduction avec la Place des Arts, un spectacle qui traite justement de théâtre, de voyages et de transmission intergénérationnelle. Une tournée imaginaire. L’histoire d’une jeune comédienne et de son collègue, comédien mature ayant passé sa vie sur la route, de leurs déracinements et de leurs correspondances avec le lointain Montréal. Daniel Meilleur et ses fidèles collaborateurs seraient-ils saisis de nostalgie?

"Ma foi, non, répond-il, ce n’est pas du tout un spectacle-bilan ni une invitation à consulter notre album de photos de voyages. On voulait surtout travailler sur le thème de l’urbanité et des trajectoires affectives. Voyager, errer de ville en ville, c’est se mettre en danger, se confronter à l’inconnu, et on avait le goût de parler de ça d’une manière impressionniste et lyrique." Jean-François Casabonne, qui joue pour la première fois avec Les Deux Mondes, y a tout de même vu l’occasion de faire un retour sur soi. "C’est inévitable, ce personnage, qui est le symbole de l’expérience, me porte à réfléchir un peu sur la route parcourue en 20 ans de carrière. Mais c’est plutôt comme un voyage intérieur très poétique et qui touche à l’intemporel, qui va bien au-delà d’une réflexion sur le travail de l’acteur et le temps qui passe."

À l’origine de ce projet, il y avait des bruits, captés de par le monde par le concepteur sonore Michel Robidoux. Un monocorde enregistré en Chine, du trafic à Mexico, des sirènes à Paris, une télévision à Madrid: autant de sons que l’habile musicien transforme en symphonie hétéroclite. Il y a intégré la voix d’une chanteuse d’opéra (Noëlla Huet), devenue matériau comme le reste, et chantera aussi lui-même pendant le spectacle, de la console, entre deux manipulations en direct.

Fidèle au processus de collégialité qui caractérise la compagnie, chaque concepteur a ajouté sa vision, s’est inspiré de la musique pour soumettre des images, des mots, des idées, jusqu’à la naissance d’un récit mis en forme par l’auteur Normand Canac-Marquis. Et l’acteur, lui, doit être sensible à tout ce travail, précise Casabonne, "se laisser imprégner par l’imaginaire, l’univers, les sons, jusqu’à perdre pied. Je me suis laissé dépasser par ce spectacle, qui est vraiment beaucoup plus grand que moi."

La vidéo prend une place grandissante aux Deux Mondes. Sur scène, il n’y a que des écrans qui, cette fois-ci, rappellent les pages d’un carnet. Des lieux et des gens y sont racontés, des images oniriques, des atmosphères et des impressions s’y dessinent. Meilleur cherche à éviter le réalisme, à créer des images signifiantes, qui stimulent l’imaginaire et suscitent une variété d’interprétations. "Ce qui est aussi merveilleux dans le travail de notre vidéaste, Yves Dubé, c’est que l’image est multifonctionnelle; on peut l’utiliser comme complément visuel tout en y intégrant l’acteur, avec le 3D par exemple, avec lequel je travaille pour la première fois, et qui donne des résultats vraiment intéressants."

Le comédien est-il perdu dans cet univers visuel? "Non, répond Casabonne, ces images-là sont tellement fortes, je sens qu’elles sont projetées sur un écran autant que l’acteur en scène projette aussi beaucoup de choses à sa manière, et dans ce cas-ci, la fusion fonctionne totalement." Avec Véronique Marchand, "une incroyable actrice-créatrice", il nous convie à tout un voyage.

Consultez la page de la série Cinquième Salle au www.voir.ca/5esalle