Endormi(e) : Dernier sommeil
Scène

Endormi(e) : Dernier sommeil

Pour défendre Endormi(e), les membres du Projet MÛ ont eu la bonne idée de nous entraîner hors des lieux traditionnels de représentation.

Derrière ce spectacle qui occupe l’équipe du Projet MÛ depuis 2005, il y a la metteure en scène Nini Bélanger, diplômée du programme de Mise en scène de l’École nationale de théâtre. Il y a aussi le dramaturge Pascal Brullemans, fidèle collaborateur d’Éric Jean sur Camélias, Hippocampe, Corps étrangers et Chasseurs, et auteur du prochain spectacle du Théâtre Le Clou, Isberg. Mais il y a surtout Les Belles Endormies du Japonais Yasunari Kawabata, un court roman que les deux créateurs ont transposé à la scène avec beaucoup de doigté.

Assis avec une vingtaine de personnes dans un appartement du quartier Hochelaga-Maisonneuve, on imagine sans trop de difficulté que l’endroit, obscur, feutré, est un petit bordel bien camouflé dans une rue résidentielle, un lieu réservé aux initiés. Dans le salon qui se trouve à notre gauche, mais surtout dans le lit qui se trouve devant nous, recouvert de satin noir, les acteurs vont échanger quelques mots, mais surtout, dans les silences, laisser vivre leurs personnages.

La trame narrative est la suivante. Dans un établissement tenu par une femme intrigante (Marie Michaud, à la fois empathique et froide), un homme qui a perdu son épouse et ses amis (Michel Mongeau, usé, méconnaissable, particulièrement troublant) vient, pour tromper son ennui, passer plusieurs nuits aux côtés de superbes jeunes femmes (Catherine-Amélie Côté et Caroline Bouchard). Celles-ci sont plongées, grâce à un narcotique, dans un profond sommeil. Le vieil homme peut les toucher, se blottir contre elles, mais il n’est pas autorisé à aller plus loin. Durant ces nuits hallucinatoires, cathartiques, le passé et le présent se confondent, le rêve et la réalité se chevauchent. Malheureusement, l’illusion se dissipe, le jour se lève, et le voyage se termine… plutôt mal.

Il y a dans ce spectacle toutes les souffrances inexprimables, tous les deuils impossibles, tous les désirs retenus, les impulsions réprimées qui ont fait la renommée du chef-d’oeuvre de Kawabata. Avec l’aide du son, de la lumière et surtout d’une fine direction d’acteur, Nini Bélanger livre une émouvante fable sur la vieillesse, la solitude et la mort, mais aussi sur le désir, incontrôlable, irrépressible, un élan dont la négation équivaut inévitablement, on le comprend bien, à la mort.

Jusqu’au 6 septembre
Dans un appartement d’Hochelaga-Maisonneuve