Elvire Jouvet 40 : Lentement la beauté
Scène

Elvire Jouvet 40 : Lentement la beauté

Elvire Jouvet 40, production du Théâtre Niveau Parking, ouvre la saison avec une remarquable méditation sur le théâtre, mise en scène et jouée avec grande sensibilité.

Avec Elvire Jouvet 40, pièce écrite par Brigitte Jaques à partir de véritables leçons, on assiste à des cours donnés par Louis Jouvet à trois élèves, dont Claudia, qu’il dirige dans une scène difficile du Dom Juan de Molière. D’une leçon à l’autre, Claudia progresse, cherchant avec persévérance à atteindre la vérité du sentiment. Elle essaie, se réjouit, trébuche, se reprend. Pour la mener, un maître exigeant, dur; ses réflexions sont de brillantes leçons de théâtre où éclate, même si elle s’exaspère parfois, la générosité du guide, tout entier dévoué à son art et à la transmission de ses secrets. Pour la circonstance, la salle du Périscope se donne des airs des années 40: superbe transformation signée Christian Fontaine, faisant de la scène un écrin au charme suranné.

Michel Nadeau campe avec justesse et sobriété un Louis Jouvet autoritaire, passionné, attachant malgré la raideur du personnage. En Claudia, Marianne Marceau allie candeur et aplomb, et se révèle, dans sa quête, parfaitement émouvante: de maladresse et de sensibilité, de fermeté et de ferveur. À leurs côtés, Israël Gamache et Hugues Frenette accompagnent de leur présence à la fois discrète et vive la progression des leçons.

La mise en scène de Lorraine Côté nous rappelle, entre chaque tableau, que l’Europe s’enflamme en cette année 1940, que l’Occupation étouffe Paris; bribes de nouvelles à la radio, éclairages, images évoquent la fureur du monde. La quête de beauté de Jouvet et de ses élèves n’en apparaît que plus pure, plus touchante, en opposition à l’horreur: éclat de ces instants pleins de vie, d’idéal, volés à la menace qui gronde, à l’abri dans cette zone de silence, de travail et de recueillement qu’est la salle de théâtre.

Incursion précieuse sur le terrain du dépassement de soi, Elvire Jouvet 40 retrace le lent chemin vers la maîtrise d’un art, et salue la patience, l’humilité nécessaires pour y arriver. Jamais d’aridité dans ces leçons orchestrées par Lorraine Côté: la mise en scène attentive, pleine de vitalité et la fine direction d’acteurs font de ce spectacle une production inspirée, magnifique.

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