Louis Fortier : Hamlet 2
Scène

Louis Fortier : Hamlet 2

Le metteur en scène Louis Fortier et son équipe de comédiennes masquées nous reviennent avec Notre Hamlet, une pièce créée à Premier acte en 2006. Nouvelle mouture.

D’abord, rappelons que Notre Hamlet raconte deux histoires, celle de la pièce de Shakespeare, bien sûr, mais aussi celle des personnages masqués qui s’appliquent à monter cette dernière dans le cadre d’un atelier théâtral. Ce faisant, l’ensemble met également en lumière le travail de l’acteur, au gré des interventions de Robert Pantalon, animateur interprété par Louis Fortier. "Pour moi, ce n’est pas une reprise, il s’agit plutôt d’un approfondissement", lance-t-il, avant de préciser que deux comédiennes ont dû passer le flambeau, ce qui signifie que de nouveaux personnages, créés par leurs remplaçantes, ont fait leur apparition. "Elles amènent leur propre dynamique, leur propre sensibilité et, forcément, ça influence ce qui se passe sur scène ainsi qu’en coulisses", commente-t-il. L’une d’elles, jouée par Sophie Brech, s’appelle Peggy Barlow. "C’est une dame de 83 ans qui a vécu le blitz à Londres durant la Deuxième Guerre mondiale, comme les grands-parents de Sophie. J’avais envie d’amener cet élément pour faire sentir combien notre culture est aussi tributaire de ce qui s’est passé là-bas." "Je me suis beaucoup inspirée de ma grand-mère, continue Sophie. J’ai discuté avec mon grand-père, je lui ai demandé de me raconter en détail ce qu’ils ont vécu pendant la guerre. J’ai découvert des choses fascinantes, dont nous n’avions pas eu l’occasion de parler auparavant. Pour moi, c’est intéressant parce que ça revient un peu à donner une autre vie à ma grand-mère."

Autour d’elle gravitent des personnages de femmes pouvant tant provoquer le rire, avec leur bourre et leur arsenal maison, qu’émouvoir par leurs blessures. "Elles sont pétillantes, pleines de vitalité, mais également touchantes", observe le metteur en scène. D’ailleurs, le jeu masqué tel qu’il le conçoit n’a rien à voir avec la commedia dell’arte, la farce ou la parodie. "Il s’agit d’un théâtre non réaliste, mais ancré dans la plus grande sincérité qui soit", affirme-t-il. Un exercice de dévoilement plutôt que de camouflage, qu’ils ont voulu pousser encore plus loin cette fois, en ajoutant certaines scènes, notamment. "L’objectif était de faire sentir davantage ce qu’est la vie de ces femmes et de montrer comment on peut tisser des liens entre elles et les personnages de Shakespeare", explique-t-il. Sans compter que, la distribution d’Hamlet ayant été modifiée, chacune se révèle sous un jour différent.

Enfin, ils ont pris conscience d’un fait déterminant, c’est-à-dire que la scène s’affirme ici comme un lieu de réparation. "Une des questions qui se sont posées après la première série de représentations, c’est: pourquoi elles font ça au lieu de s’occuper de leurs petits-enfants ou autre chose? Ces femmes croient en la magie, en la possibilité, par l’histoire, par le verbe, de réparer les dommages du destin. Pour elles, il s’agit d’une façon de continuer à vivre malgré la perte d’un être cher", estime-t-il, avant de conclure: "Je crois que de donner forme et beauté à ces failles par le théâtre témoigne d’un héroïsme du quotidien pour ces vieilles dames." De sorte qu’il en ressort un sentiment d’espoir.