Manifeste! : Des paroles en combustion
Avec Manifeste!, Wajdi Mouawad embrase la capitale fédérale en invitant le geste artistique à être aussi politique que sa ville hôte. Entretien avec Gary Boudreault, à qui il a confié cette brûlante mission.
À l’occasion des anniversaires de grands manifestes d’hier – ceux du Parti communiste (1848), du Refus global (1948) et de Mai 68 -, le nouveau directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts (CNA), Wajdi Mouawad, souhaitait amorcer une réflexion sur la prise de parole militante aujourd’hui. Croisant à quelques reprises le comédien, musicien et metteur en scène Gary Boudreault alors qu’il se produisait la saison dernière au CNA dans L’Iliade, Mouawad lui confia les rênes des spectacles-lectures qui, additionnés d’une exposition d’affiches militantes et de tables rondes, se muteront tantôt en un véritable festival.
Gary Boudreault a ainsi plongé dans une lecture rigoureuse des manifestes d’hier à aujourd’hui, puis procédé à une sélection pointue de textes usant d’une langue le moindrement théâtrale. "D’abord, il fallait que ça me parle, à ma tête, mais à mon coeur aussi, que ce soit viscéral et que ça me fasse vibrer personnellement. Je voulais aussi plusieurs styles de textes… Si on compare le Manifeste du Parti communiste au dada, par exemple, on est sur deux planètes!" constate-t-il, soulignant du même souffle que plusieurs thèmes revenaient inévitablement au cours de sa lecture. "Il y a des textes, même opposés, comme le Manifeste pour un Québec lucide et celui pour un Québec solidaire, qui se recoupent. La lutte des classes, l’équitable partage des richesses sont des thèmes de base qui reviennent souvent, mais exprimés de façon différente, à des époques diverses, dans des styles et réalités contextuelles complètement différents. La base des textes demeure ces luttes sempiternelles qui s’inscrivent dans le coeur de la démarche des hommes et des femmes. On veut toujours améliorer sa condition…"
Il fit alors appel à des amis comédiens, Martine Beaulne, Alexis Martin, Vincent Bilodeau et Emmanuelle Jimenez, qui porteront ces multiples paroles sur scène. "J’ai choisi quatre metteurs en scène, alors chacun participe au processus: dans le travail d’édition des textes, dans l’esprit, l’interprétation. Ce sont aussi des personnes politisées, qui ont des idées, qui sont capables de débattre, pour qui ces textes-là et ce spectacle ont un sens; ils ne sont pas juste là comme interprètes", assure-t-il. Il appela aussi en renfort le percussionniste Michel F. Côté et le guitariste Bernard Falaise pour aérer quelque peu ces paroles de feu de quelques rythmes planants. Des projections viendront aussi soutenir les textes et meubler la mise en place plutôt statique. "C’est vraiment le texte en avant, il n’y a pas de steppettes. Je veux qu’on entende les mots, les idées, les images", note-t-il.
Après avoir fait un tour d’horizon des manifestes choisis – qui n’écarte aucunement les Amérindiens, les Acadiens, les femmes -, la troupe de comédiens laissera la place à un invité qui livrera son manifeste d’aujourd’hui. Wajdi Mouawad ouvrira le bal avec son manifeste pour les animaux (le 24); l’auteure, chroniqueuse et féministe Hélène Pedneault proposera un collage de ses discours (le 25); l’artiste multidisciplinaire et lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick Herménégilde Chiasson proposera un manifeste contre l’utopie (le 26); puis, l’agriculteur et syndicaliste Jacques Proulx fera part de ses positions quant à la mondialisation (le 27). "L’invité du jour va ajouter sa couleur, sa conclusion. Je tenais à avoir des invités différents et des sujets qu’on ne touche pas nécessairement", conclut Gary Boudreault.
Deux tables rondes animées par Wajdi Mouawad prendront place sur l’heure du midi les 25 et 26 septembre dans le cadre de Manifeste!. La première, sous le thème En guerre, les artistes?, amènera François Dupuis-Déri, Brigitte Haentjens, Louis Patrick Leroux et Françoise Sullivan à se pencher sur la phrase auréolant la saison théâtrale 2008-2009: "Nous sommes en guerre." La seconde, sous le thème Le pouvoir a-t-il eu raison sur la contestation?, rassemblera cette fois Herménégilde Chiasson, Hélène Pedneault, Pierre Raphaël Pelletier et Jacques Proulx. Une rencontre avec la chorégraphe, danseuse et peintre cosignataire du Refus global, Françoise Sullivan, est également prévue le 25 septembre à 18h, suite à la projection de la vidéo Les Saisons Sullivan. Info: www.nac-cna.ca/tf