Oh les beaux jours : La cérémonie
Scène

Oh les beaux jours : La cérémonie

Avec Oh les beaux jours, Andrée Lachapelle et André Brassard prouvent qu’ils sont encore bien vivants.

La faculté d’émerveillement, l’art d’apprécier les petits bonheurs que la vie nous offre, aussi banals soient-ils, voilà bien la plus grande qualité de Winnie. Le corps à moitié enseveli sous la terre, dardée par les rayons d’un soleil impitoyable, l’héroïne d’Oh les beaux jours s’obstine, envers et contre tous, à goûter le présent avec passion. Même irrémédiablement entraînée vers le bas, elle continue de lever les bras au ciel, d’aspirer à l’élévation. Vous avez dit inspirant?

Pouvait-on imaginer plus belle matière que la pièce de Beckett pour réunir une comédienne de la trempe d’Andrée Lachapelle et un metteur en scène de l’envergure d’André Brassard? Elle, de son propre aveu, hésitera sérieusement avant de s’embarquer à nouveau dans une telle aventure. Lui retrouve enfin la scène, son travail, sa vie, après qu’un AVC eut gravement menacé tout cela. On peut dire, sans exagérer, qu’il s’agit d’une rencontre au sommet. Le bonheur est d’autant plus grand que le spectacle qui en résulte est fait de rigueur, de sensibilité et de conviction.

Si la mise en scène épouse le génie de Beckett, en respectant la plupart des indications scéniques (gestes, accessoires, costumes), mais surtout en entrelaçant habilement drôlerie et gravité, il reste que le sort de Winnie – inépuisable métaphore de la condition humaine – est une cruelle agonie. Sous son babil, il y a l’attachement de tous les êtres humains à leur passé, aux souvenirs. Pour elle, il s’agit du "vieux style", de la déclaration d’amour de son partenaire Willie, de ce temps où elle avait encore l’usage de ses jambes. Son rituel, quotidien en même temps que spirituel, la garde en vie, férocement, d’ici à ce qu’elle retourne au ventre de la terre, à l’enfance, au sein maternel… À vous de choisir!

Au sommet d’un mamelon de gravier, une imposante butte d’un bleu vibrant qui donne à la scène des allures irréelles, extraterrestres, pour ne pas dire apocalyptiques, Lachapelle trône avec toute la superbe et la distinction qu’on lui connaît, use de la parole comme d’un chant, un chant d’amour. Sa Winnie est digne, toujours sur le qui-vive, même lorsqu’elle perd la tête, même lorsqu’elle invective son créateur, même lorsque Willie, son mari (impeccable Roger La Rue), tend la main vers cette arme qui pourrait bien abréger ses souffrances.

Consultez la page de l’Espace Go sur www.voir.ca/espacego.