Hugues Hollenstein : Parler avec son corps
Scène

Hugues Hollenstein : Parler avec son corps

Hugues Hollenstein codirige l’une des quatre compagnies françaises invitées aux 4es Rencontres internationales du mime de Montréal. Point de vue sur une discipline un peu en marge des arts de la scène.

Créée en 1991 par le Français Hugues Hollenstein et l’Allemande Grit Krausse, la compagnie Escale provoque les rencontres entre théâtre, mime, danse, cirque et théâtre d’objets, selon l’humeur et les besoins des créations. Proposant un art affranchi des formes traditionnelles et des étiquettes, les créateurs se sont dotés d’un chapiteau pour aller à la rencontre des publics et se produire au gré de leurs itinérances. Ici, manifestement, l’interdisciplinarité vient nourrir une vision renouvelée des arts de la scène.

"Bien que le théâtre, en France, soit encore très basé sur la littérature, chez les comédiens, il commence à y avoir un regard sur le corps, avance Hollenstein. Je pense aussi qu’on est dans une période où les danseurs et les circassiens sont en recherche de sens et qu’ils se tournent résolument vers le théâtre. Mais ils font l’erreur de le rajouter à leurs formes artistiques qui sont déjà des langages à part entière. En danse, par exemple, le théâtre s’appuie beaucoup sur le danseur lui-même plutôt que sur la dramaturgie, en racontant des histoires très personnelles. Nous, on essaie de trouver des métaphores visuelles pour dire quelque chose. On amène une autre manière de regarder le corps et le mouvement."

Images fortes, performances physiques enlevées et humour décalé caractérisent les oeuvres de la compagnie Escale, qui ne contiennent généralement pas de texte. Présentée à l’occasion des 4es Rencontres internationales du mime de Montréal, Des mots derrière la vitre fait figure d’exception: la pièce a été créée en 2003, à la suite d’un mouvement de grève pour défendre le statut menacé des intermittents du spectacle, quand les artistes ont senti le besoin de prendre littéralement la parole. Un atelier-laboratoire sur le rapport entre parole et mouvement a donné naissance à la pièce.

"C’est un collage de textes courts portés par des corps en mouvement qui en donnent une autre lecture, commente le metteur en scène. Les acteurs sont tellement engagés dans le mouvement que le texte sort presque malgré eux. Du coup, ça rencontre des pensées intimes qui résonnent aussi dans le public." À l’origine, l’oeuvre est un parcours déambulatoire de six stations dans lequel le public évolue, guidé par un système sonore qui se déplace. Entre chacun des six solos et duos présentés, le spectateur a donc un temps pour laisser décanter ce qu’il vient de vivre avant de pénétrer dans un autre univers.

"À Montréal, la configuration de la salle ne permet qu’une mini-déambulation et cette période de latence entre les pièces va simplement se jouer en silence, explique Hollenstein. Je suis assez curieux de ce que ça va donner sur l’ensemble de la pièce. Je m’attends à une nouvelle découverte." En moins d’une heure, Hollenstein, Krausse et trois autres artistes (Benoît Armange, Véronique Chabarot et Jennifer Leporcher) parleront de leurs doutes et de leur rage de vivre en se laissant traverser par les mots parfois crus de leurs contemporains (notamment Lydie Salvayre, Xavier Durringer et Jean-Luc Godard) qui ne manqueront pas de nous éclabousser au passage.

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4ES RENCONTRES INTERNATIONALES DU MIME DE MONTREAL

"À la base, on devrait tout simplement parler de mime pour décrire notre travail, mais c’est un mot tabou, difficile à utiliser parce qu’on a tout de suite une référence de pantomime, déclare le Français Hugues Hollenstein. Alors on parle de théâtre gestuel, corporel ou physique." Avec sept spectacles à l’affiche, une installation performative et des activités gratuites comme la projection d’oeuvres de répertoire, Omnibus et le grand maître d’oeuvre des 4es Rencontres internationales du mime de Montréal, Jean Asselin, nous offrent pendant trois semaines de quoi satisfaire notre curiosité concernant cette discipline et de quoi déjouer les préjugés qui la frappent.

De l’oeuvre de Mozart revue par Omnibus et Pentaèdre dans L’amour est un opéra muet à la danse expressionniste de Tenon et Mortaise avec Un temps deux mouvements, en passant par le chaos corporel et mental présenté par les Productions Tableaux vivants dans Roxy horreur show, le Québec étale ses richesses en la matière. L’éventail est complété par De la terre au visage, installation performative où 45 sujets anonymes interprètent à tour de rôle le thème de l’agonie.

Côté français, outre la pièce donnée par la compagnie Escale, le Théâtre du mouvement passe en revue les grandes figures de l’histoire du mime et du théâtre dans Faut-il croire les mimes sur parole?. Avec Intérieur nuit, l’Association W fait entrer les nouvelles technologies de l’image et du son dans la valse du théâtre, de la danse et du cirque. Enfin, la compagnie Chaliwaté conjugue la poésie du verbe à celle d’un mouvement riche en surprises. Du mime, des découvertes et des rencontres à tous les étages d’Espace Libre. www.mimeomnibus.qc.ca