La Gloire des filles à Magloire : La grande noirceur
Avec La Gloire des filles à Magloire, on plonge dans le Québec rural des années Duplessis. Un voyage drôle et amer, joué avec talent, à la tension dramatique inégale.
Après le départ de leur père, les filles de Magloire Prémont et leur mère ont tenté, tant bien que mal, de survivre. La solution: vendre leurs charmes dans leur maison du bout du rang, bientôt la cible de tous les commérages. La Gloire des filles à Magloire, pièce d’André Ricard créée en 1975, raconte deux jours dans cette maison animée où, depuis des années, Robertine, Renelle, Paula et la Zarzaise, malgré les rires et la musique, amassent les humiliations. Un jour, la vengeance devient possible: détourner le défilé de la Saint-Jean-Baptiste et le faire passer devant leur maison, autant dire au bout du monde, pied de nez à tous les bien-pensants du village.
À cette intrigue se greffent d’autres éléments: les désirs de contrôle de Joe, les soins à Robertine, l’aînée, que ronge un chagrin d’amour, les avances d’un gars du village à Paula, les inventions de la Zarzaise, simplette qui se passionne pour les insectes et la destruction. Faute d’être tissés efficacement par la mise en scène, les fils de ces nombreuses trames, pour intéressantes qu’elles soient, entravent ici la montée dramatique et nuisent à la cohérence de la finale. Il manque au spectacle le rythme, l’unité nécessaire à la marche inexorable du drame de ces jeunes femmes dont l’avenir semble irrémédiablement bouché.
La Gloire des filles à Magloire propose une galerie de personnages savoureux, campés ici avec aplomb par les comédiens Éva Daigle, Jean-Michel Déry, Marie-Hélène Gendreau, Jean-René Moisan, qui évoluent dans un décor à la structure parfois contraignante. Avec eux, Marjorie Vaillancourt, excellente, incarne avec humour et une candeur frondeuse la Zarzaise, personnage particulièrement attachant. Lors de ses envolées dans l’imaginaire, des projections accompagnent ses récits à la fois délirants et poétiques: trouvaille magnifique de la mise en scène de Martin Genest.
Dans un franc-parler rugueux assaisonné d’images succulentes, le texte d’André Ricard mélange humour et drame. Bien que l’écho de la pièce soit moins vif aujourd’hui qu’à l’époque de sa création, ses personnages impuissants et leurs aspirations apparaissent toujours vivants et, au-delà des imperfections du spectacle, nous interpellent encore.
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