Les Combustibles : Jouer avec le feu
Scène

Les Combustibles : Jouer avec le feu

Le metteur en scène d’origine belge André-Marie Coudou pose un regard juste et affiné sur Les Combustibles d’Amélie Nothomb.

Dialogues sublimes, pleins d’intelligence et d’ironie, voilà ce qu’Amélie Nothomb offre avec Les Combustibles. Le texte est chargé de cynisme et d’autodérision, mais on discourt avec classe et élégance. Le metteur en scène André-Marie Coudou donne toute la place à cette importante parole, son contenu autant que la musique qui s’en échappe, tout en mettant à l’oeuvre une certaine poétisation de l’espace. Une mise en scène juste et équilibrée, qui nous fait entrer pleinement dans l’oeuvre et donne du relief à ses enjeux fondamentaux: l’opposition philosophique entre nature et culture, et l’animalité profonde de l’être humain civilisé.

Dans cette production du Théâtre L’Instant, on sent que chaque mot a été interrogé, qu’on a cherché à en extirper la musique, à faire du texte une véritable partition. Ce qui, avec l’interprétation très précise des trois comédiens, rend la parole chantante et suave, sans toutefois la faire sombrer dans une artificialité pompeuse, sans que jamais elle ne s’éloigne trop du naturel.

En professeur de littérature désenchanté, Bernard Carez est calmement cynique, profond et imperturbable. Dans le rôle de son assistant, un jeune idéaliste croyant pleinement aux vertus de la littérature, Philippe Cyr installe une sorte de sensualité latente, par une voix souple et charnue. Stéphanie Cardi prend les traits de Marina, sa charmante copine, déterminée à brûler tous les livres parce que c’est la guerre et qu’il fait froid, que rien d’autre ne compte que de réchauffer son corps frigorifié. La jeune comédienne s’impose, elle a le souffle calculé et le phrasé percutant, le tout doublé d’une grande présence physique.

Sur un plateau incliné qui place les corps en déroute, il n’y a qu’une chaise et trois bibliothèques, qui reculent doucement à mesure que les livres brûlent. Une idée simple mais efficace de la scénographe Noémie Avidar, qui a aussi choisi d’entourer la scène de terre et de saletés, évoquant le champ de bataille ou les résidus de combustion; bref, une scénographie sobre et signifiante.

Cette guerre, que Coudou a discrètement située dans la Belgique actuelle, elle se trouve aussi dans la très riche trame sonore d’Alexandre Tougas. Distorsions, bruits parasites, bombardements impromptus, autant d’intégrations subtiles ou brutales du réel extra-scénique qui contribuent grandement à créer un sentiment trouble. Le tout est vraiment esthétique et harmonieux.