Marie de l’Incarnation ou la déraison d’amour : Un spectacle lumineux
Marie de l’Incarnation ou la déraison d’amour présente, dans un écrin somptueux, la parole d’une grande écrivaine, portée par une comédienne remarquable.
Montage d’extraits de la correspondance de Marie Guyart, dite Marie de l’Incarnation, réalisé par Jean-Daniel Lafond en collaboration avec Marie Tifo, La Déraison d’amour retrace certains moments marquants de sa vie. Elle nous apparaît, en quelques tableaux, racontant ces étapes à son fils, demeuré en France: révélation, dès l’enfance, de sa vocation, jeunesse et entrée au couvent, voyage, installation et travail en Nouvelle-France, à évangéliser les "petites sauvages", vieillesse. Une langue souple, imagée raconte petits et grands événements, à travers un regard sans cesse émerveillé sur les découvertes et les rencontres faites dans la colonie. En marge des occupations de cette femme d’action, un style plus poétique, mystérieux évoque la vie spirituelle de la religieuse. On est alors envoûté par la richesse et la force de cette langue empreinte de sensualité, décrivant avec feu cet amour exclusif et immense qui remplit tout l’être – l’esprit et l’âme autant que le corps – de celle qui s’est vouée à son époux céleste. De la bonté inébranlable à l’acceptation des épreuves dans la joie, de l’empire sur le corps fatigué à la transe mystique et à l’extase, la puissance de cet amour impressionne. En plus de sa grande beauté, la correspondance de Marie Guyart offre un témoignage précieux sur la vie dans la colonie et une incursion rare dans l’esprit et les émotions d’une grande mystique qui se livre, ici, en toute intimité.
Pour donner vie à cette parole singulière, une Marie Tifo emportée, touchante, parfaitement investie, habitée par ce personnage d’une vigueur étonnante, entre joie de vivre et amour démesuré. Dans une mise en scène stylisée (Lorraine Pintal), misant sur la gestuelle et la beauté du mouvement sculptant le corps, le spectacle évolue en tableaux magnifiques, étonnamment vivants. Y concourent le décor aux lignes épurées, harmonieuses (Michel Gauthier), les splendides éclairages (Denis Guérette), le costume simple et évocateur (Catherine Higgins). L’ensemble, d’un blanc immaculé hormis quelques taches de couleur, confère au spectacle une beauté lumineuse, un caractère sacré.
Joué avec émotion, profondeur, voici un spectacle qui éblouit par son aura de pureté, comme une méditation à voix haute, une prière recueillie. C’est l’offrande d’une comédienne et, avec elle, de toute une équipe pleine de ferveur, dévouée à son art comme à ce personnage exceptionnel.
À voir si vous aimez /
Le jeu plein d’intensité, les spectacles d’une beauté visuelle épurée