Meena Murugesan et Chanti Wadge : Entre le corps et l'esprit
Scène

Meena Murugesan et Chanti Wadge : Entre le corps et l’esprit

Meena Murugesan et Chanti Wadge partagent une soirée de haute intensité avec deux pièces de nature très différente: One Hundred Returnings et Aval.

Elle a présenté le duo Just Beings cette année à Tangente et la revoilà déjà au MAI avec un solo. Créé en 2007 pour les Repérages de Danse à Lille, en France, One Hundred Returnings (Cent retours) est une nouvelle expression de la quête de l’essence de l’être que mène Chanti Wadge depuis ses tout débuts. Cette fois, elle explore les états qu’un humain traverse au cours de son évolution en tâchant de puiser dans l’inconscient collectif, en se reliant à l’anima mundi, l’âme du monde.

"J’ai à nouveau créé une structure chorégraphique à habiter, mais aucun mouvement n’est fixe, assure-t-elle. Je suis toujours en réponse au moment, dans une tentative de me connecter à une voix plus large, une voix karmique." À travers des improvisations qui sont comme des prières ou des méditations, la chorégraphe-performeuse cherche à expérimenter différents états d’écoute, d’adaptation, d’abandon et de vide. Dès lors qu’elle est totalement engagée dans l’expérience, tout geste qui surgit s’avère approprié. Aucun spectacle n’est donc pareil à l’autre.

Quand, pour une raison quelconque, la connexion à l’univers est plus difficile à établir, le rituel devient tout simplement représentation. "Mon travail est de plus en plus influencé par le chamanisme, il très similaire dans le processus, confie-t-elle. Si je ne suis pas dedans, ça reste une danse, mais ce n’est pas une danse de l’âme. Et ce n’est pas grave si ça ne marche pas à tous les coups, c’est une pratique et c’est cela qui m’intéresse."

Si Wadge est programmée au MAI, c’est que Meena Murugesan l’a choisie pour compléter la soirée qui lui était offerte. Née de parents indiens, la Montréalaise a étudié le bharata natyam pendant 23 ans et s’est tournée il y a 5 ans vers un apprentissage plus contemporain. Puisant dans l’enseignement de la chorégraphe Zab Maboungou et s’inspirant de techniques liant corps et esprit, elle définit son propre style depuis quelques années en créant des oeuvres où la danse est un voyage initiatique de transformation. Cette fois, elle a reçu l’appui de Mélanie Demers pour la dramaturgie et de Natasha Bakht pour la précision du geste.

"Je travaille beaucoup sur le principe de l’improvisation structurée et ma danse est inspirée de l’émotion suscitée par les thèmes que j’explore", explique-t-elle. Dans Aval, qui signifie "elle" en tamoul, Murugesan traite de l’identité fragmentée avec laquelle les femmes sud-asiatiques de deuxième génération, comme elle, doivent composer. Dans la bande sonore manipulée en direct par Pohanna Pyne Feinberg, des voix multiples et des musiques variées symbolisent les diverses influences qui l’ont façonnée. Parmi celles-ci, une sociologue torontoise parle des attentes à combler entre des fragments de cultures plus qu’entre deux cultures.

"Un exemple concret pour ce qui me concerne est la transformation que j’opère dans le bharata natyam en essayant de déconstruire mon personnage, commente la chorégraphe. Ç’a été un grand dilemme pour moi. Le bharata natyam est une danse si rigoureusement codifiée que l’idée de l’exploration en soi n’est pas du tout encouragée. Ça me rend vulnérable vis-à-vis de ma communauté. Je sais que ma pièce sera très controversée."