Stéphanie Lambert : Mener l’enquête

Connaissez-vous l’histoire de ces deux femmes sourdes qui ont choisi d’avoir un enfant sourd? Saviez-vous que l’utilisation du Ritalin était en pleine expansion dans nos sociétés? Connaissez-vous les oeuvres-chocs de Stelarc, un artiste australien qui possède, entre autres, une troisième oreille sur le bras? C’est précisément parce que trop de gens répondent par la négative à ces questions que les jeunes créateurs de Doc.Théâtre ont décidé de créer Transhumain.

Le transhumanisme est une philosophie, un mouvement qui a le vent dans les voiles. Ses défenseurs souhaitent conférer à l’homme le contrôle de sa propre évolution. Alarmées par le phénomène, Stéphanie Lambert et Audrey-Anne Bouchard, qui signent le texte et la mise en scène, se sont inspirées de l’ouvrage du journaliste Antoine Robitaille, Le Nouvel Homme nouveau, pour créer un objet théâtral qui interroge l’impact actuel et à venir de la technologie sur le corps humain.

"Ce sont des sujets de controverse encore trop peu médiatisés, estime Lambert, diplômée en théâtre de l’Université Concordia. Les idées que le transhumanisme promeut, le monde parfait qu’il fait miroiter, cela m’inquiète sérieusement. Quand j’ai lu le livre de Robitaille, je me suis dit qu’il fallait absolument en parler, amener ça au public. Les avancées de la science ne sont pas mauvaises en soi, mais je pense qu’il faut vraiment s’interroger sur les proportions que cela peut prendre."

Des questions d’ordre politique, social, éthique… voilà ce que le spectacle devrait soulever. Est-ce que l’humain est en route vers la posthumanité, un stade où le corps serait carrément réinventé par la science? Pour nous faire réfléchir à ces enjeux, bien plus que pour imposer des réponses, donner des leçons ou pour prendre parti, les comédiens Vance de Waele, Samuel Chan, Geneviève Fontaine et Marina Eva vont se glisser dans un judicieux amalgame de fiction et de réalité.

"Notre démarche est aussi théâtrale que documentaire, explique Lambert, c’est un vrai projet de création collective. Pour relier les histoires des nombreuses personnes que nous avons interviewées ou à partir desquelles nous avons improvisé, il existe dans le spectacle un fil conducteur: on suit un étudiant en journalisme qui mène une enquête sur le sujet." Bien entendu, ce personnage est en quelque sorte l’alter ego du journaliste Antoine Robitaille.

Selon la metteure en scène, le son et les images jouent un rôle important dans le spectacle. "J’essaie de parler surtout aux gens de mon âge, lance-t-elle. Je vise beaucoup les étudiants. C’est pourquoi la musique est actuelle, alternative, qu’il y a des projections et que le décor est en reconfiguration constante. Aussi, ce qui n’est pas rien, les quatre comédiens jouent une vingtaine de personnages. Je vous le dis, c’est du sport!"

PRISES DE PAROLE

À la fin de chaque représentation, des invités seront présents pour des discussions que l’on prédit vives. Le 1er octobre, Justice de Thézier, entrepreneur social et créatif professionnel, membre de 2006 à 2008 du conseil d’administration de l’Association transhumaniste mondiale. Le 2 octobre, Jim Thomas, directeur de recherche et écrivain au sein de l’Erosion, Technology and Concentration Group (ETC Group), une organisation qui suit de près les avancées de la science en matière agricole. Le 3 octobre, Ollivier Dyens, directeur du département d’études françaises de l’Université Concordia, auteur du récent livre La Condition inhumaine.

Le 4 octobre, Antoine Robitaille, journaliste au Devoir, auteur du livre Le Nouvel Homme nouveau, voyage dans les utopies de la posthumanité. Le 5 octobre, Mireille Caissy, éditorialiste pour la revue Voir dire et, depuis juin 2008, présidente du Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain. Pour obtenir tous les détails et lire des statistiques qui donnent froid dans le dos, visitez le www.transhumain.net.