La vie devant soi : Belleville rendez-vous
Scène

La vie devant soi : Belleville rendez-vous

Le Théâtre du Rideau Vert a fait un bon coup en programmant une adaptation de La vie devant soi, le chef-d’oeuvre de Romain Gary.

Une histoire parfaite pour rallier un très large public, voilà ce qu’offre La vie devant soi. Les amoureux de l’oralité comme les exégètes de la littérature ou les spectateurs assoiffés de bons sentiments ne résisteront pas à l’envie de replonger dans l’histoire de Momo et Madame Rosa. Les critiques français l’ont souligné l’an dernier, l’adaptation de Xavier Jaillard transmet fidèlement l’ambiance du roman de Gary, malgré l’absence d’une myriade de personnages, ici réduite aux quatre figures centrales que sont Momo, Madame Rosa, le docteur Katz et Youssef Kadir.

L’auteur réussit à faire vivre le quartier parisien de Belleville par le dialogue, de même qu’il englobe avec doigté et dosage les plus importants thèmes du roman. Mais il échoue en partie à en transposer l’aspect narratif. Les observations décalées mais lucides de Momo ont lieu en aparté, un procédé ici un peu artificiel qui s’intègre difficilement au réalisme de l’ensemble. On sent d’ailleurs que ces apartés ont donné du mal à Louise Marleau. La metteure en scène a choisi de préenregistrer certains passages, telle l’expression soudaine d’une voix intérieure, alors que d’autres sont joués à l’avant-scène. Ni confidences ni introspections, ils ne deviennent qu’anecdotiques, vite exécutés et vite oubliés.

Outre cela, Marleau a créé un univers réaliste et crédible, ayant le souci de faire ressentir le quotidien et l’habitude, sans en diluer le charme. La mise en scène passe d’un lieu à l’autre, ce qui fait grandement respirer le texte, même si les transitions de décor, dans le noir, alourdissent un peu le spectacle. On se serait aussi passé des projections vidéo utilisées comme toile de fond, sans que l’image ne transforme la scène ou ne stimule l’imaginaire. Mais, dans l’ensemble, la mise en scène sert bien le récit, et c’est l’essentiel.

Catherine Bégin relève à merveille le défi d’actrice que lui impose ce grand rôle. Elle fait une Madame Rosa tout en nuances, émouvante dans les scènes d’humilité, drôle et complice devant les frasques de son jeune ami, remarquable lorsqu’elle incarne tout à la fois la maladie et la solidité, l’égarement et la lucidité, les préjugés et la tolérance. À ses côtés, le jeune Aliocha Schneider, à peine 15 ans, est étonnant de justesse et d’aisance, s’appropriant les mots de Gary comme s’ils avaient été écrits pour lui seul. Un jeune homme à ne pas perdre de vue.