Michel-Maxime Legault : Ressources humaines
Michel-Maxime Legault et le Théâtre de la Marée Haute se penchent sur un autre grinçant portrait de société, une pièce du Suisse Urs Widmer intitulée Top Dogs.
Avec deux productions seulement, Kvetch, du Britannique Steven Berkoff, et Rhapsodie-Béton, du Français Georges Michel, le Théâtre de la Marée Haute s’est déjà taillé une place enviable au sein de la relève théâtrale montréalaise. Ces jours-ci, Michel-Maxime Legault, jusqu’ici metteur en scène attitré de la compagnie, s’attaque à Top Dogs, une pièce du Suisse Urs Widmer qui a été montée dans le monde entier depuis sa création à Zurich en 1996, mais jamais au Québec. "C’est un texte qui est tout à fait dans l’esprit de la compagnie, lance Legault. À mon avis, il est plus achevé que Rhapsodie-Béton, plus efficace encore."
Comme l’explique l’auteur dans les premières pages du texte publié, dans la traduction de Daniel Benoin, aux éditions de L’Arche, les top dogs en question sont des cadres moyens ou supérieurs, ceux qui, il y a quelque temps encore, semblaient inattaquables et qui sont maintenant soudainement congédiés, parce que leurs entreprises sont restructurées, redimensionnées ou fermées. Cette fois, diront les principaux intéressés, l’heure est grave puisque la vague de licenciement a touché les leaders.
À nouveau, la Marée Haute met la main sur un texte qui ausculte certaines des plus grandes paranoïas de la société nord-américaine, met à jour les engrenages les plus pernicieux de la machine dans laquelle nous vivons. "Les personnages sont des cadres supérieurs, explique Legault, ils ont donc une protection très forte. Pourtant, engagés dans un stage qui doit leur permettre de retrouver un emploi, d’assumer leur situation et de s’en sortir, ils vont peu à peu être rattrapés par l’humain, se voir contraints de mettre leur sensibilité à l’avant-plan. Comme groupe, encore plus que comme individus, ils vont évoluer considérablement." Ce sont Philippe Cousineau, Alexandre Daneau, Sébastien Dodge, Danny Gilmore, Marie-Claude Giroux, Philippe Robert et Marie-Ève Trudel qui vont défendre cette galerie de cadres au bord de la crise de nerf.
Pour le jeune metteur en scène, diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 2005, le moment est idéal pour monter chez nous la pièce de Widmer. "La société est de plus en plus robotique. La sensibilité et la culture sont mises de côté. C’est la productivité qui prime. Dans la pièce, on a des êtres humains qui disent à quel point ils aimaient leur travail, à quel point il les définissait." Parce que, en effet, plusieurs semblent avoir oublié qu’il y a le mot "humaines" dans la formule "ressources humaines".
La situation de base est donc éminemment réaliste, mais, comme dans les deux précédentes productions de la Marée Haute, à un moment donné le ton change, la machine s’emballe, la folie du monde apparaît dans toute sa splendeur. "Au début, c’est très réaliste, révèle Legault, ce qui permet au public de s’intégrer au malaise des personnages. Puis, peu à peu, on glisse avec eux dans quelque chose de très théâtral, des rêves surréalistes dont l’humour est des plus libérateurs."
Si la troisième production de la Marée Haute s’inscrit dans le droit prolongement des deux précédentes, il se pourrait fort bien que la quatrième opère un changement de cap. "C’est Marie-Josée Bastien, une créatrice de Québec à qui l’on doit notamment La Librairie et une adaptation du roman On achève bien les chevaux, qui va signer le texte et la mise en scène de notre prochain spectacle. Ce sera un premier texte québécois pour la Marée Haute. Je suis très content; ça va sûrement donner une autre couleur à notre mandat."